mardi 31 juillet 2012

Le dollar ou l’euro : qui va l’emporter ?



L’une des principales intrigues de la crise économique qui mûrit est de savoir si les Etats-Unis savent rester première économie du monde, et si le dollar américain garde son statut de l’unique monnaie de réserve.

Une partie d’experts prédisent un affaiblissement du dollar et son remplacement par plusieurs monnaies régionales. D’autres sont persuadés que l’économie globale ne pourra pas se passer d’une monnaie de base.

Les analystes financiers sont unanimes à considérer que si le dollar US doit perdre l’importance qu’il a, ce ne sera pour demain. Ce processus ne sera pas révolutionnaire, mais évolutif et prendra des décennies.

« L’ère du dollar US » a commencé en 1944. En Europe la guerre faisait rage, lorsque les hommes politiques et les financiers de plus de quarante pays se sont réunis dans la petite ville américaine de Bretton Woods afin de déterminer pour des décennies le système financier mondial. C’était une conférence de l’ONU, qui a installé confortablement les Etats-Unis avec le statut particulier du dollar.

Les Américains et leurs alliés britanniques ont su persuader leurs collègues que seule une monnaie « principale », rattachée fermement à l’or, serait capable de garantir la stabilité de l’économie d’après-guerre. D’ailleurs, il n’y avait pas à l’époque d’autre monnaie capable de prétendre à ce rôle. Voici ce que dit l’économiste connu Mikhaïl Khazine :

« Au début des années 40 du siècle dernier l’économie des Etats-Unis d’Amérique représentait près de 50 % de celle du monde, pour la production et pour la consommation. Dans ce sens, le rôle du dollar US était parfaitement naturel ».

Ce statut spécial du dollar aidait durant de longues années les autorités nord-américaines à accumuler la part du lion des revenus mondiales, en s’en servant pour développer leur économie nationale. Or la situation a changé. Depuis longtemps le dollar n’est plus rattaché à l’étalon or, les centres de production mondiale se déplacent de l’Ouest à l’Est, la part des Etats-Unis dans l’économie mondiale chute. Dans ce contexte, l’influence disproportionnée du dollar US devient un facteur supplémentaire de crise. Kiril Trémassov, chef du département analytique de NOMOS-BANQUE explique :
« Il y a encore dix ans les positions du dollar en tant que monnaie de réserve étaient incontestables. En ces dix ans la portée du dollar dans le commerce et l’économie du monde a sensiblement diminué, l’importance de l’euro a considérablement augmenté. Le rôle du yuan a grandi. Ces processus vont se poursuivre ».

Le monde avait déjà vu quelque chose de semblable. Durant deux siècles la livre sterling anglaise assumait de facto le rôle de monnaie de réserve mondiale. Mais au milieu des années 40 du siècle passé la « reine des mers et des océans » décrépite a cédé sans résistance aux Etats-Unis et à leur « tout-terrain vert ». Et pourtant il ne faut pas s’attendre à un déclin rapide du dollar.

Les experts sont partagés sur l’avenir de la monnaie de réserve mondiale. Mikhaïl Khazine prédit la formation de plusieurs zones monétaires, par exemple, de la zone du dollar, du yuan, de l’euro. L’influence de chaque devise au-delà de sa zone ne sera pas grande. L’experte en macroéconomie Elena Matrossova, elle, insiste : tant que le monde se globalise, il aura besoin d’une monnaie de base. Le dollar est une monnaie de référence universelle, qu’il n’y pas de sens de changer.

Alerte aux excès de profits aux Etats-Unis !



Non, il ne s’agit pas d’un jugement de l’Humanité ou de Jean-Luc Mélenchon, mais d’un article de The Economist qui se penche sur la remontée fulgurante des profits des entreprises aux Etats-Unis, déjà 20% plus hauts qu’en 2007, point le plus élevé depuis la Seconde Guerre Mondiale.

La crise, quelle crise ?
 
Le graphique représentant la part des profits des entreprises dans le PIB des Etats-Unis est sidérant. En 2007, ce chiffre avait rejoint les records de 1929, au-delà de 12% du PIB. Ce chiffre avait progressé de 3 à 6% dans les années 1980, avant d’atteindre 9% dans les années 1990. La grave crise de 2008 a fait plonger ce chiffre à 7% (soit encore davantage qu’au début des années 2000) avant de rebondir à près de 15% du PIB cette année, 20% de plus que le pic précédent.
 
L’hebdomadaire anglais souligne que ce sommet aura du mal à être battu car les prévisions de profits des entreprises sont moins fortes pour les trimestres à venir et elles ne parviennent plus à battre aussi facilement les prévisions des analystes. Il y a des raisons structurelles. Tout d’abord, les entreprises se sont adaptées très rapidement à la crise, n’hésitant pas à licencier massivement. Ensuite, il y a la pression des pays émergents qui limite les revendications salariales.
 
De nouvelles explications
 
Mais The Economist souligne qu’en principe, cette rentabilité devrait pousser à une vague d’investissement, plus de compétition et du coup, moins de profits. Mais les entreprises gardent aujourd’hui l’argent qu’elles gagnent. Le journal y voit trois explications. La 1ère serait la crainte d’un excès de réglementation à la veille des élections présidentielles. La 2nde est la faiblesse de la demande, étant donné que les consommateurs se désendettent et la faible croissance des exportations.
 
Le journal souligne enfin le cercle vicieux où la hausse des profits diminue automatiquement la part des revenus et déprime donc par conséquent la demande, accentuant le conservatisme des entreprises. Enfin, il souligne le rôle néfaste des stock-options dans les choix des dirigeants d’entreprise, qui préfèrent les actions augmentant le résultat court terme des entreprises (et les rachats d’action) aux investissements à long terme, qui tendent à réduire les profits dans un premier temps.
 
Un capitalisme dysfonctionnel
 
Cette troisième raison est confirmée par une récente étude la Réserve Fédérale de New York qui expliquent elle-aussi que la structure des bonus des dirigeants d’entreprise a une forte influence sur leurs décisions et les pousse aujourd’hui à favoriser les résultats à court terme aux investissements à long terme qui ne tendent à rapporter que pour leurs successeurs… Idem pour les fonds d’investissement dont les résultats sont trop souvent jugés chaque trimestre en oubliant le long terme.
 
The Economist pousse l’audace en concluant « qu’il est bien meilleur que les profits diminuent parce que les entreprises investissent massivement plutôt que parce que la prudence des leurs dirigeants pousse l’économie en récession. Les dirigeants d’entreprises font partie des avocats les plus fervents de la baisse des déficits publics, mais si les entreprises dépensaient davantage, et embauchaient plus, cela ferait baisser les déficits de leur propre gré ».
 
C’est tout le paradoxe souligné par ce journal, pourtant absolument pas hostile au monde de l’entreprise. La montée des profits des entreprises aux Etats-Unis révèle un profond dysfonctionnement de l’économie, qui entretient même les difficultés dans lesquelles nous sommes.
 

Crise de l’euro : Le pied de nez,


Depuis le début de la crise de l’euro, il y a deux ans et quatre mois de cela,
tout ce que le Vieux Continent compte de dirigeants a participé à une vingtaine de sommets. À la faveur du dernier d’entre eux, ici et là, on avançait que le pire était chose du passé. Mais voilà que les péripéties que connaissent ces jours-ci la Grèce, l’Espagne et l’Italie viennent de glacer les espoirs, au point que de nouvelles rencontres ont été inscrites à l’agenda des politiciens.

Le énième acte d’un psychodrame qui provoque des ulcères jusqu’aux États-Unis et en Chine a débuté, une fois encore, sur les hauteurs d’Athènes, lorsqu’Antonis Samaras, premier ministre depuis le 20 juin dernier, a martelé que l’ampleur de la récession est telle qu’il fallait que l’Europe lui accorde un répit. Mais encore ? Samaras a réclamé deux années supplémentaires pour atteindre les cibles fixées en matière budgétaire et demandé une rallonge de 50 milliards, à moins que les créanciers ne tirent un trait sur une bonne partie de la dette.

Ensuite, mais cette fois en Espagne, deux régions ont lancé un appel au secours auprès de l’État central parce qu’elles sont tout simplement en faillite technique. Tout logiquement, ce pied de nez politico-économique a renforcé l’idée que le plan d’aide accordé aux banques espagnoles est largement insuffisant, car les défis budgétaires s’avèrent plus amples que prévu. Il n’en fallut pas moins pour que le premier ministre Mariano Rajoy exige, et avec raison, que la Banque centrale européenne (BCE) intervienne sur les marchés afin de réduire le taux d’intérêt imposé. À plus de 7 %, le pays est plongé dans la zone des grands risques.

En agissant de la sorte, le chef de l’exécutif espagnol faisait écho à la requête tout aussi justifiée du premier ministre italien Mario Monti, qui juge que les taux ne correspondent pas du tout aux réformes entreprises. Le hic ? La BCE ne peut toujours pas prêter directement aux États. Quant au Mécanisme européen de stabilité (MES) créé lors du sommet de juin, il ne sera pas opérationnel avant septembre, et encore faudra-t-il que la Cour constitutionnelle allemande donne son aval. On notera que face à des marchés qui impriment leur influence à la nanoseconde, nous avons des États qui fonctionnent à pas de tortue. Bref, l’inadéquation entre les deux est totale, absolue.

Au milieu de ces entrelacs économiques qui laissent envisager une sortie de crise beaucoup plus longue et pénible que prévu, Monti a laissé entendre que son pays n’accepterait pas de plan d’aide européen et qu’il refusera toute tutelle de la troïka. Autrement dit, si la situation italienne se dégrade au point qu’un choix cornélien s’impose, alors Monti sera plus enclin à sortir de l’euro qu’à y rester.

À la grande différence des autres membres de la zone euro, il faut savoir, c’est à retenir, que l’Italie serait la nation la moins touchée par une fin de la monnaie unique. Dans les milieux initiés aux trous noirs de l’économie, on chuchote même que l’Italie est le seul pays qui aurait avantage à voir imploser l’euro.

En effet, selon une étude effectuée par les économistes de Bank of America, l’Italie combinant une industrie touristique considérable à une industrie automobile importante et un tissu de PME très créatives et très portées vers l’exportation, elle aurait intérêt à quitter l’euro à cause, justement, de sa force. A contrario, les pays qui perdraient le plus seraient l’Allemagne et l’Autriche, soit précisément les deux nations qui ont tiré le plus d’avantages d’un euro fort.

Par une de ces ironies dont l’histoire a le secret, entre les divers faits évoqués, Moody’s s’est manifestée. Et pour annoncer quoi ? Que le Luxembourg, les Pays-Bas et… l’Allemagne étaient désormais sous perspective négative. Entre les avertissements servis par Monti, l’étude de la Bank of America et les agissements de Moody’s, il est évident que l’on a assisté à un ébranlement, mais pas encore un renversement, des rapports de forces qui lient les partisans de l’orthodoxie monétaire menés par Angela Merkel et ces nations dites du club Med que certains élus allemands, hollandais et autres nordistes aimeraient bouter hors de la zone. Chiche ?

Serge Truffaut

lundi 30 juillet 2012

Grèce : faillite ordonnée!,



L'économiste grec, Costas Lapavitsas, conseiller du parti grec d'opposition à la Troïka Syriza et professeur à l'Université de Londres, a confié à une assemblée d'Argentins, le 18 juillet, qu'il avait lui-même et ses collaborateurs étudié, de manière attentive, la restructuration de la dette argentine, en 2005, comme «point de référence», en raison des similarités entre la crise de la dette ayant frappé l'Argentine, en 2001, et la Grèce, aujourd'hui.
Lapavistas était invité comme orateur lors d'un séminaire organisé par la Banco de la Nacion, propriété de l'Etat argentin, intitulé «Crise internationale : son évolution en Europe et son impact potentiel en Amérique latine». Il a également affirmé que la Grèce allait être en cessation de paiement d'ici 6 à 12 mois et qu'elle quitterait l'euro, ce qui mettrait fin à l'existence de cette monnaie.

Décrivant les horreurs subies par les Grecs au cours de cette crise, il a ajouté que ce dont l'Europe a besoin aujourd'hui est un Plan Marshall. Il a comparé les swaps sur la dette imposés à la Grèce en février dernier au «mega-swap» de 40 milliards de dollars imposé à l'Argentine, en 2001, à un taux usuraire, par le ministre des Finances de l'époque, Domingo Cavallo, et son homme de main, le secrétaire-adjoint au Trésor et dirigeant du Crédit Suisse, David Mulford. Cet accord scandaleux avait lourdement aggravé la crise économique dans le pays tout en permettant aux prédateurs de la finance de s'en mettre plein les poches.

La «débâcle» provoquée par le FMI en Argentine au cours de cette période est comme la crise grecque aujourd'hui, a précisé Lapavistas, rapportant qu'en 2010 les dirigeants grecs avaient prétendu que la potion magique composée de renflouements et d'ajustements structurels préparés par le FMI était nécessaire pour éviter que la Grèce ne tombe dans le même piège que l'Argentine, en 2001. «Mais nous avions affirmé exactement le contraire», s'est-il exclamé. «Si nous acceptons ceci, nous allons devenir comme l'Argentine». Le cas grec, a-t-il expliqué, ressemble bien plus au méga-swap de Cavallo, en 2001, qu'à la restructuration de la dette entreprise, par le Président Nestor Kirchner, en 2005. La crise grecque n'a pas du tout été résolue.

Lapavitsas a déclaré à l'agence de presse nationale argentine Telam qu'une fois la Grèce sortie de l'euro, elle aura la possibilité de mettre en place «des politiques anti-libérales pour sortir le pays de cette situation peu enviable», et que parmi ces politiques il y aurait la nationalisation de certaines banques, des contrôles sur les changes, et certains contrôles sur le taux de change. Il s'agit-là de «quelques une des politiques adoptées par l'Argentine et l'Amérique latine au cours des dernières années», a-t-il fait remarquer.

Le chef de l'opposition grecque Alexis Tsipras, également chef du Parti Syriza, a appelé le gouvernement grec au début de cette semaine à mettre fin aux discussions avec la Troïka, composée de la Commission européenne, la BCE et le FMI. Il a prévenu que la Grèce se dirigeait vers une «procédure de mise en faillite imminente», ajoutant que le programme de la «Troïka a été un échec». Il a déclaré que le mémorandum de 72 points annoncé avant l'élection mènera le pays vers «l'effondrement social, à l'automne», et que ceux qui ne le réalisent pas «sont, simplement; incompétents ou dangereux».

Les Allemands se verraient bien sans l'euro



Une majorité des Allemands pensent que leur pays serait en meilleure situation sans l'euro, selon un sondage, paru, dimanche, alors que le ministre de l'Economie a répété ses doutes sur le maintien de la Grèce, dans la zone euro.

Selon le sondage Emnid, pour l'hebdomadaire Bild am Sonntag, 51% des Allemands pensent que l'économie de la première puissance européenne serait dans une meilleure situation, si elle ne faisait pas partie des 17 pays de la zone euro. Vingt-neuf pour cent pensent que la situation serait pire. Le sondage montre, également, que 71% des Allemands demandent que la Grèce sorte de la zone euro, si elle ne tient pas ses promesses d'austérité.

vendredi 27 juillet 2012

France /Chômage: 2012 pire que 2009?



IRIB-Depuis 14 mois, le nombre d'inscrits à Pôle emploi ne cesse d'augmenter.
La liste des plans sociaux se rallonge. Pour autant, l'hémorragie d'emplois sera moindre qu'en 2009, année où le chômage a battu tous les records. Mais plus douloureue.Le seuil des trois millions de chômeurs en France sera atteint avant la fin de l'année, probablement en septembre. Le nombre de demandeurs d'emploi n'ayant pas du tout travaillé a augmenté de 23.700 pour atteindre 2.945.800 fin juin, a annoncé hier le ministère du Travail. En incluant les personnes exerçant une activité réduite (catégories B et C), ce sont près de 4,4 millions de personnes qui étaient à la recherche d'un travail fin juin, un record depuis la mise en place des ces statistiques en 1991. Il s'agit surtout de la quatorzième hausse consécutive du nombre d'inscrits à Pôle emploi, depuis mai 2011.

Et la courbe n'est pas près de s'inverser, vu les annonces de plans sociaux en rafale depuis l'élection de François Hollande, plans qui ne sont pas encore entrés en vigueur et donc pas pris en compte dans les chiffres du chômage. La liste est longue: PSA (8000 suppressions de postes), Air France, (5122 postes), Alcatel-Lucent(5000 postes dans le monde), Sanofi (non précisé), SFR (entre 1000 et 2000), Bouygues Telecom (555 personnes), Hewlett-Packard (520 postes), Conforama (288)... la liste se rallonge de jour en jour.

Cette litanie de plans sociaux pourrait laisser penser que 2012 sera une année noire pour l'emploi, pire que ne l'a été 2009. Cette année-là, la hausse du chômage a battu un record de brutalitél'économie française a détruit 365.000 emplois et le nombre d'inscrits à Pôle emploi a progressé de 407.200; le taux chômage a bondi de 8,1% à 9,9%. On se souvient des "Conti", mais aussi des conflits chez MolexNew Fabris, Michelin, SKF... Or ces conflits, très emblématiques, concernaient des plans sociaux qui n'impliquaient que des centaines de suppressions de postes, et pas de milliers comme c'est le cas dans les grands groupe aujourd'hui.

Au final, toutefois, sur l'ensemble de la France, l'hémorragie d'emplois sera moins forte cette année. Tout d'abord, parce que le chômage ne se résume pas aux plans sociaux: ils représentent moins de 20% des destructions d'emplois, qui sont essentiellement le fait des petites entreprises (au premier trimestre 65200 emplois ont été détruits à la suite défaillances d'entreprises, dont plus de 90% de moins de 10 salariés), de la situation de l'intérim et du non renouvellement des CDD. Or les défaillances d'entreprises sont repassées au deuxième trimestre sous le seuil de 14.000 franchi durant l'année noire 2009, selon Altares, même si le nombre d'emplois concernés reste très élevé (72.500 salariés, le niveau le plus élevé enregistré en cinq ans).

Le pire reste encore à venir

Ensuite parce que 2009 était une année de récession - le PIB avait reculé de 3% - alors que la croissance, même très faible, sera positive cette année - +0,4% selon l'Insee. Toujours selon l'Institut national de la statistique, l'emploi dans les secteurs marchands non agricoles atteindrait un solde net négatif de 25.000. L'assurance-chômage prévoit de son côté 214.200 demandeurs d'emplois supplémentaires. Au final, le taux de chômage ne devrait progresser "que" de 0,5 point pour atteindre 10,3% fin 2012.

Mais "même si la hausse du chômage est moins forte en nombre cette année qu'en 2009, elle est socialement plus grave car on ne part pas du même niveau", insiste Mathieu Plane, de l'OFCE. Surtout, l'explosion du chômage de longue durée (+21% sur un an de demandeurs d'emploi de plus d'un an) est un "phénomène inquiétant, symptôme d'une crise durable avec des risques de basculement dans la pauvreté de ces chômeurs", s'inquiète l'économiste.

Face à cela, la "mobilisation du gouvernement est entière", "tant pour répondre à l'urgence sociale" que pour mettre en oeuvre "la feuille de route sociale" tracée lors de la grande conférence sociale, a assuré jeudi Michel Sapin. Le ministre du Travail a promis que son budget serait prioritaire pour financer des emplois aidés et les contrats de génération. Il envisage aussi une loi contre les licenciements. Les emplois d'avenir seront prioritairement destinés aux jeunes peu qualifiés des quartiers. Le gouvernement en prévoit 100.000 en 2013, 50.000 en 2014. Il prévoit en outre 500.000 contrats de génération sur cinq ans, destinés à favoriser le maintien des seniors dans l'emploi et l'embauche des jeunes en CDI.

"Ces mesures vont amortir le choc, mais ce ne sera pas suffisant pour faire baisser le chômage", prévient Mathieu Plane. Selon l'OFCE, les contrats d'avenir et les contrats de génération vont se traduire par la création de 200.000 emplois nets sur le quinquennat. Or le marché du travail français doit absorber 150.000 actifs supplémentaires chaque année. Pour que le chômage recule en France, il faut que la croissance atteigne au moins 1,5%. Ce ne sera pas le cas cette année, ni l'année prochaine. Sur le front de l'emploi, le pire reste encore à venir...

Emilie Lévêque

France: à quel moment la montée du chômage provoquera-t-elle la descente aux enfers du gouvernement ?



IRIB- 1 - Montebourg : le Zébulon du redressement productif ;Tournicoti, tournicoton !

Je vous parle d’un temps que les moins de quarante ans de télévision ne peuvent pas connaître : celui du «Manège enchanté», dessin animé qui distrayait les chérubins de la fin des années 1960. Ce manège était actionné par un personnage pontifiant et décalé : le Père Pivoine. Il ré-enchantait le rêve français en vous transportant au pays du Bois Joli et distribuait des bisous aux enfants. Tout rapprochement avec une récente campagne électorale et un certain président serait fâcheux. Parmi ses acolytes de cocasse mémoire, on se souvient avant tout de Zébulon, tout rouge et monté sur ressort, tournant sur lui-même tel un toton sur une table de jeu.

Et bien, révélons-le à nos lecteurs, notre ministre productivement redressé, le bien malheureux Montebourg, en est la parfaite réincarnation ! Courant de-ci, de-là, multipliant les déclarations comminatoires à l’endroit de chefs d’entreprise qui se battent pour la survie de leurs marques, persuadé que son verbe infléchira la course du réel et la dure loi de rentabilité qui s’applique à tous sauf aux ministres socialistes, il est la parfaite démonstration que l’action est soluble dans l’agitation. Il suffit de voir le sourire ironique des opérateurs de téléphonie mobile conviés aux réunions qu’il organise pour se rendre compte qu’il a au moins le mérite d’amuser la galerie. Tables rondes, grandes conférences sociales, manège enchanté … depuis deux mois, nous tournicotons pour de bon.

Tournicoti, Tournicoton ! Montebourg n’est pas le premier de ces ministres gadget, au portefeuille à l’intitulé baroque qui, généralement, ne survivent guère aux débuts des nouveaux gouvernements. 

Qui se souvient encore de feu Jean-Jacques Servan-Schreiber, éphémère ministre de non moins éphémères réformes des premiers temps du giscardisme ? 

Nommé par Hollande pour se brûler les ailes et débarrasser définitivement le plancher de la scène socialiste, Montebourg risque, vibrionnant, de brouiller l’image du nouveau pouvoir tout entier : un danger que le président n’avait pas pleinement mesuré.

Flanqué d’un Louis Gallois dont les compétences sont peu ou prou les mêmes que les siennes, après combien de sauvetages ratés, d’interventions inopportunes, de postures brutales et de déclarations mal-à-propos, Arnaud Future tirera-t-il sa révérence ? Bah, à titre personnel au moins, il devrait s’en sortir, Monsieur Pigasse doit avoir besoin d’avocats autant que de journalistes …

2 - A quel moment la montée du chômage provoquera-t-elle la descente aux enfers du gouvernement ?


La récession qui débute et qui sera accentuée par la hausse des prélèvements obligatoires décidée par le nouveau pouvoir et sa politique préjudiciable au climat des affaires va se traduire par une augmentation de 30.000 à 40.000 chômeurs, par mois, d’ici à la fin du premier trimestre 2013.

En effet, depuis le premier deuxième trimestre 2011, le nombre de demandeurs d’emploi ne cesse de croître, d’abord à un rythme lent (34.000, au troisième trimestre 2011) puis s’accélérant (46.000, au quatrième trimestre, et 86.000, au premier trimestre 2012). Près de 30.000, par mois, en fin de période, alors qu’on connaissait encore un semblant de croissance !

La dégradation conjoncturelle mondiale (couplée avec les erreurs de politique économique du nouveau gouvernement) devrait donc conduire la France à supporter une hausse du nombre de chômeurs de plus de 260.000 personnes, entre juin et décembre 2012, et de plus de 350.000, d’ici la fin du premier trimestre 2013

Au sens du BIT et de l’INSEE, le nombre de chômeurs en métropole dépassera les 3 millions avant la fin de l’année. Le cap des 10 % de la population active, jamais atteint depuis 1994, sera franchi et le record absolu d’après-guerre (10, 8 %) à portée de vue. Sachant qu’aucun pouvoir n’ayant connu ces niveaux de chômage n’a pu échapper à une impopularité record, gageons qu’à partir de janvier prochain il ne fera pas bon mettre un ministre dehors. Dur métier ! Ne reste plus qu’à bricoler en vitesse des contrats d’avenir et autres emplois tremplins pour au moins maquiller ces réalités cruelles.

3 - La robe était piégée

Les idiots ! Pour un brouhaha de quelques secondes au plus, pas même un sifflet, voilà les députés UMP tombés dans le piège de l’accusation de machisme, relayée par de vertueux médias. Le camp de rééducation ne leur est pas encore promis, mais les Verts veulent déjà ouvrir des ateliers à l’Assemblée nationale pour guérir de ce vice mental affreux les représentants du peuple qui en seraient infectés. Que plaider pour atténuer la sanction de cet écart indéfendable ? Que la robe de Cécile, en ces temps de grisaille atmosphérique, méritait bien quelque marque d’approbation ? Qu’il fallait saluer l’abandon du blue jeans au bénéfice d’une tradition vestimentaire bien française ?

Ces micro-polémiques complaisamment entretenues sont autant de temps qui échappe à de gênants débats, comme par exemple sur le sujet de la taxation des heures supplémentaires à l’impôt sur le revenu, y compris pour les salariés des PME, sur la capitulation devant les exigences monétaires allemandes ou sur la nécessité de tondre les contribuables à grands coups de CSG. Il va falloir qu’ils s’y fassent : les élus de l’opposition n’ont pas droit à la moindre incartade, à la moindre entorse aux règles de bon comportement définies par le politiquement correct le plus sourcilleux, à la plus petite ironie qui pourrait être mal interprétée. Qu’une personne de couleur, à la mobilité réduite, à la sexualité alternative ou gagnant en âge (toutes ces appellations ont été soigneusement contrôlées) prenne la parole et mieux vaudra éviter sourire ou critique : une catastrophe interprétative est vite arrivée. Disposant de tous les pouvoirs, il ne reste aux socialistes qu’un dernier levier à actionner, pour être parfaitement tranquilles, celui de l’auto-censure de leurs opposants.

4 - Schwartzy est l’avenir de la politique.

Rendons hommage à Arnold, le malabar austro-américain qui fut près de huit ans gouverneur de Californie et qui reprend nonobstant du service, aux côtés de son vieil ennemi / complice Rambo, un petit rôle dans le deuxième opus d’«Expandables», nanarissime production hollywoodienne. Il est l’exemple même de ce que nous ne savons pas faire en France : des carrières politiques de haut niveau mais relativement brèves, compatibles avec une réussite dans d’autres domaines. Schwartzy ne s’est pas si mal débrouillé à la tête d’un État qui, indépendant, serait la huitième puissance mondiale. Charisme, point de vue extérieur sur la bureaucratie, totale indépendance financière et donc détachement face à la dimension alimentaire de la politique : exactement ce qui fait défaut à nos élus à vie.

Encore citoyen autrichien, il ferait un excellent président de l’Union européenne puisque, paraît-il, il en faudrait un vrai pour créer du vouloir-vivre ensemble entre ces populations disparates.

5 - Courroye de mutation

Découvrez, avec force aide syndicale, un climat détestable dans une juridiction puis dites que, puisque malaise il y a, il faut déplacer tel ou tel, évidemment celui qui vous déplaît : que voilà une affaire rondement et staliniennement menée ! On n’est pas près d’entendre les protestations des anciens défenseurs automatiques de l’indépendance totale du parquet. Le sommet du genre étant atteint par un monsieur Cabarrus, dans le Nouvel Obs, qui, fort d’avis aussi indiscutables que celui du président d’une région socialiste ou de référence à des procédures qui ont jusqu’à présent conduit, c’est à n’y rien comprendre, à des non-lieux au bénéfice du procureur Courroye, en déduit que tout ceci n’est «pas une sanction» mais «juste un geste éminemment politique» ! Cela change tout.

Pour George Soros, l'Europe est menacée d'"un désastre aux proportions inimaginables"



 Les conseils, pour sauver la zone euro, se multiplient.

Cette fois, c'est un rapport de l'Institute for New Economic Thinking Council on the Euro Zone Crisis (ICEC), qui comprend deux conseillers du gouvernement allemand, et qui est soutenu par le financier milliardaire américain, George Soros, qui s'y colle. Mais, d'abord, l'organisation sonne l'alarme, une fois de plus.

"Nous pensons que l'Europe avance tout droit vers un désastre aux proportions inimaginables. L'impression de crise qui n'en finit pas, avec les dominos tombant les uns après les autres, doit être inversée".

L'ICEC rappelle donc que deux problèmes doivent d'abord être régler : s'occuper des coûts hérités des "défauts originels de la conception  même de la zone euro", mais aussi réparer la structure même du bloc.

Les dix-sept économistes qui ont signé le rapport appellent donc, comme beaucoup d'autres, à une mutualisation partielle de la dette, mais aussi à la création d'une sorte de gardien financier supranational qui pourrait donc passer outre les décisions des Etats.

Autres idées : que la Banque centrale européenne ne soit qu'un dernier recours pour les états qui font des demandes de prêts. Selon ce groupe d'économistes, le mécanisme européen de stabilité (MES) doit en effet jouer ce rôle, et non la BCE. Le dispositif de gestion des crises financières de la zone euro devrait donc avoir une licence bancaire conséquente, ce que refuse la BCE.

L'ICEC rappelle par ailleurs que les pays endettés et les autres doivent trouver au plus vite une solution, adopter un plan qui conviendra aussi bien aux marchés qu'aux populations. Pour cela, les états devraient se rappeler qu'il est de l'intérêt de tous de résoudre la crise. Selon eux, en l'absence d'un effort de tous les Etats européens, la zone euro se désintégrera rapidement. "Résoudre la crise actuelle, c'est du gagnant-gagnant pour les pays créditeurs et les pays en dettes. Mais le manque de confiance entre créditeurs et débiteurs entravent les pays européens qui n'arrivent pas à trouver des solutions qui bénéficieront à tout le monde".

Les économistes de l'ICEC estiment, en effet, que les décisions prises au sommet fin juin ne vont pas assez loin du tout, et recommandent donc de toute urgence des mesures à court-terme, notamment un soutien accru de la demande dans la zone euro par les pays qui connaissent un surplus fiscal. S'ils réclament des solutions à court-terme, les 17 économistes européens de premier plan n'oublient pas qu'il est impossible de s'attaquer aux problèmes traditionnels sans l'engagement véritable visant à repenser le système à long terme.

Des solutions déjà proposées par d'autres économistes, qui se heurtent toutefois toujours au gouvernement allemand, qui a pourtant beaucoup à perdre de cette crise.

Des instituts d'économie allemands estiment toutefois que si la Grèce quittait la zone euro, l'Allemagne devrait essuyer une perte de près de 82 milliards d'euros, 7 milliards de moins que si la Grèce restait au sein de cette zone économique, un scénario de moins en moins probable.

Les économistes de la banque américaine Citi ont, en effet, déclaré, ce jeudi, que la sortie de la Grèce de la zone euro aurait, désormais, 90% de chances d'arriver.

jeudi 26 juillet 2012

Crise de la zone euro : suicidaire orthodoxie



La politique complètement folle conduite par le gouvernement espagnol et qui pousse le peuple dans la rue devrait être immédiatement arrêtée.

Mais il se trouve que cette politique folle est voulue par Bruxelles.

Comme je l’écrivais, déjà, il y a deux ans, dans Rue89, et encore, en septembre dernier, sur le blog Fusionnisme, il est grand temps que la banque centrale européenne change de politique. Au besoin, il serait bon que chacun soit prêt à descendre dans la rue pour y contraindre la BCE.

Les choses allant de mal en pis à mesure que les mois et les années passent, il faut d'urgence que la BCE verse, en trois tranches, 2.000 à 3.000 milliards d’euros (sans contrepartie, c’est-à-dire sans bons du trésor en échange, contrairement à la pratique habituelle - cf. nos précédents articles) afin de relancer les économies grecque, espagnole et portugaise, ainsi que tous les pays de la zone euro. Car même l’Allemagne a besoin d’une politique de relance, quand on sait les millions de travailleurs pauvres que compte ce pays pourtant régulièrement cité en modèle.

La première tranche permettra :
- de nationaliser les banques en difficulté
- de nationaliser certaines unités de production industrielle stratégique (acier, automobile, savoir-faire dans tous les domaines)
- d’aider les états à rembourser une partie de leurs dettes
- de faire de l’euro un outil de relance de l’activité, notamment par la facilitation du crédit en particulier auprès des petites et moyennes entreprises.

Mécaniquement, un tel recours à la planche à billets devrait conduire l’euro à connaître une légère érosion face aux autres devises, ce qui accroîtra la compétitivité des entreprises de la zone euro.

La seconde tranche, débloquée dans les deux ans, permettra d’accompagner le processus, en poursuivant sur les mêmes lignes, mais aussi en lançant de grand travaux et finançant la recherche et surtout dans le lancement de partenariats étroits (en particulier dans le domaine de la scolarisation, la santé, l’économie) proposés aux Etats africains, l’Afrique étant le partenaire principal et incontournable de l’Europe pour les prochaines décennies.

La troisième tranche, débloquée dans les cinq ans, permettra de prolonger ces différentes actions.

Evidemment, si ces plans se révèlent efficaces, rien n’empêchera de procéder au versement de nouvelles tranches, pour poursuivre l’aide au développement général…

Ceux qui nous dirigent seront-ils assez fous pour refuser cette solution, au nom d’un dogmatisme monétariste absurde, jusqu’à détruire l’euro plutôt que de s’en servir «hors des clous» ? Quitte à basculer ainsi nos économies, une fois, l’euro disparu, dans le désastre…

Alexandre Gerbi


Tragédie: le peuple grec n’en a pas fini de sombrer


 
Depuis plus d'un mois, la Grèce a disparu des médias, même la persistance d'une canicule d'une durée jamais vue, depuis des décennies, n'apparaît nulle part, y compris, chez les partisans de la théorie du réchauffement climatique.
C'est que l'Espagne est à l'ordre du jour, une menace autrement plus sérieuse pour l'euro que le retour à la drachme, et que voir l'Allemagne et les «bons élèves» menacés de «mauvaise note», c'est découvrir la nullité ou la nocivité des mesures, précédemment, vantées...

Car l'Union européenne continue à conseiller à ses membres défaillants les mesures expérimentées depuis deux ans sur les Grecs. Une recette simple : à court terme diminuer les dépenses, augmenter les recettes ; à long terme, pimenter le tout de réformes de structures. Les «réformes», dont on ne dit mot, elles avancent en Grèce, même si elles se heurtent à des résistances très fortes : suppression de milliers de communes et transfert massif de compétences aux communes restantes, usage massif de l'informatique dans la gestion des affaires sociales et fiscales - repérage des fraudeurs aux cotisations impayées, des faux malades et invalides, des faux retraités, des professions libérales qui déclarent des revenus inférieurs au SMIG, ordonnances informatisées -, paiement des impôts annexés à la note d'électricité, ouverture d'une partie des professions « fermées » doit faire baisser les prix, mise sur pied des instruments techniques permettant les privatisations...

Mais les plans exigeaient des résultats immédiats. Donc, d'une part, baisse de salaires des fonctionnaires (30 à 40% en moyenne), gel des embauches (1 pour 5 retraités, et même en théorie pour 10), baisse des retraites et des retraites complémentaires (de 10 à 50% selon les cas), baisse du Smic (480 euros net/mois et 25% de moins pour les jeunes), gel des conventions collectives, conditions drastiques pour l'attribution des indemnités chômage (seuls 2/10 chômeurs y ont droit et pas plus d'un an), et d'autre part, augmentation de l'impôt sur le revenu (et baisse du revenu non imposable à 10.000, puis, 5.000 euros, par an), création d'un impôt foncier nouveau, hausse des TVA (aujourd'hui 21% à 23%) et des taxes sur tabac, alcools et produits pétroliers (essence plus chère qu'en France), forte hausse des tarifs publics ... sans oublier que l'État, paye souvent avec retard ses fonctionnaires, ses retraités (certains attendent, depuis plus d'un an, le règlement de leur dossier) et ses fournisseurs ! 

C'est ainsi que les hôpitaux n'ont plus de médicaments, les firmes pharmaceutiques exigeant d'être payées et l'indice des prix persiste à augmenter en raison de la hausse des tarifs publics. Les résultats ne se font pas attendre : baisse des revenus, des achats, fermeture des commerces, loyers en forte baisse, chômage en hausse (22,5% en avril 2012 et 51,5% pour les moins de 25 ans) et baisse du PNB continue, depuis 2008 (- 6,5%, en avril 2012, par rapport à l'année précédente).


Mais les ressources de l'État n'augmentent pas : l'impôt à la source sur des salaires en baisse ne rend pas, la TVA sur des achats en berne ne rend pas, le développement d'une économie de troc, d'échanges entre particuliers ne rend pas de TVA, et la découverte d'un emploi est souvent associée à un recours encore plus grand qu'auparavant au travail non déclaré. Enfin, à tous ces dégâts mathématiquement prévisibles s'ajoute l'accroissement des écarts entre salariés déclarés sur lesquels tombent toutes les charges et... les autres qui ont encore de larges solutions pour échapper aux mailles du filet, entre fonctionnaires en place encore protégés et salariés du privé, et la ruine des structures sociales en place.

La catégorie des nouveaux pauvres gonfle : développement des repas gratuits distribués par l'église orthodoxe, les ONG ou l'extrême-droite, recours à Médecins du Monde pour les soins de base qui ne sont plus gratuits comme avant, développement en flèche de la criminalité, de l'usage de la drogue ou du SIDA (lié à la fin de la distribution gratuite de seringues).

Alors la Grèce a disparu des médias... heureusement pour elle. La diminution des pressions, - menaces du style «si vous ne faites pas cela d'ici un mois, vous allez voir», qualificatifs désobligeants, futurs apocalyptiques promis aux dissidents de l'Europe protestante -, ne peut que détendre l'atmosphère. La tension et l'incertitude permanente (retour ou non à la drachme ?) ont découragé les possibles investisseurs (privatiser mais vendre à qui ?), les touristes, les Grecs eux-mêmes qui ont sorti leurs économies des banques, qui n'espèrent d'issue que dans l'illégalité, l'émigration ou le suicide. 

L'extrême-droite ne fera plus ses choux gras des injures allemandes, l'esprit public soumis à de trop fortes tensions depuis deux ans respire un peu, les touristes rassurés (finalement que craignaient-ils ?) reviennent. La détente permettra peut-être au gouvernement de faire accepter à un peuple fatigué des changements qu'il refusait désespérément jusque-là. Mais il ne s'agit que d'un répit estival... le Premier ministre a bien été prévenu : aucun adoucissement des exigences européennes n'est en vue, les contrôleurs de la Troïka reviendront en août décider du futur versement prévu. Lui-même a également prévenu : il n'acceptera aucune mesure d'austérité supplémentaire !

Joëlle Dalègre

mardi 24 juillet 2012

Alerte sur l’Europe : une crise (de la dette) peut en cacher une autre


Ceux qui, de bonne foi, nous assuraient après le dernier sommet européen que la crise (financière) était derrière nous se fondaient sur le constat – partagé – de progrès indiscutables dans les domaines de la réglementation et de la supervision des marchés financiers, de la mise en place de mécanismes de solidarité (FESF et MES), et de réformes institutionnelles profondes (Traité de Lisbonne, Pacte de Solidarité et de Croissance, Traité de discipline budgétaire, mécanisme communautaire de surveillance, etc.), toutes mesures qui n’auraient, sans aucun doute, pas vu le jour sans la pression exercée par la crise.


Aussi, même si ses symptômes se sont, jusqu’à présent, principalement manifestés dans les sphères économiques et financières, la crise qui nous attend est d’un tout autre ordre. Il s’agit d’une crise essentiellement « politique » dans laquelle les enjeux sont de nature à remettre en cause notre système démocratique, notre modèle social, nos valeurs de liberté sous toutes ses formes et, in fine, la paix, facteurs que les générations actuelles considèrent – à tort – comme des « droits » intangibles et acquis une fois pour toutes !

Dans un monde globalisé (pour le meilleur et le pire) la poursuite de l’intégration européenne est devenue une nécessité absolue, si l’on prétend vouloir défendre les intérêts supérieurs de l’ensemble des citoyens européens. Or, force est de constater une bipolarisation politique croissante dont les objectifs sont incompatibles : d’une part une dérive de nature populiste/nationaliste et europhobe et de l’autre, celle, plus récente, visant l’instauration d’une Europe fédérale.

Point n’est besoin de démontrer la montée en puissance de partis extrémistes faisant de l’euroscepticisme, du protectionnisme et du repli identitaire leur credo simpliste et trompeur, recourant à la chasse au « bouc émissaire » qu’il soit banquier, chômeur, immigrant ou simplement « différent ». Leur discours réducteur séduit les déçus et les laissés pour compte, de plus en plus nombreux; en outre, l’émergence de nouveaux scandales dans le milieu bancaire (LIBOR, blanchiment etc.) achève de décrédibiliser la compétence, l’éthique et la volonté politique des autorités en place.

Par contre, il faut se réjouir de ce que le soutien à l’idée d’une construction européenne « fédéraliste » soit devenu « politiquement autorisé » - sinon encore « correct » - même s'il demeure encore très largement élitiste. Cela est dû à l’incapacité et, souvent, à la mauvaise volonté de la classe politique, de défendre ce dossier, pourtant crucial, devant l’opinion publique déboussolée. Cette démission généralisée trouve son origine dans des causes structurelles qui varient d’un pays à l’autre. En effet, les oppositions politiques « nationales », entre partis fondamentalement acquis au projet « fédéraliste », prennent toujours le pas sur l’objectif européen pourtant partagé, faisant ainsi le jeu de l’opposition nationale/populiste en divisant une majorité largement silencieuse.

Ce phénomène n’est nulle part plus évident qu’en France où, lors des récentes élections, les deux partis dits « de gouvernement » ont cherché à séduire leurs concurrents positionnés à l’extrême gauche et droite du spectre politique. Le PS et l’UMP étant eux-mêmes traversés par des courants « souverainistes et protectionnistes », il est difficile d’imaginer qu’une majorité puisse se dessiner en faveur d’un fédéralisme européen, car l’opposition partisane viscérale qui anime les deux partis empêche tout accord. Le taux record d’abstentions et le laminage du Centre par l’électeur ne fait que parfaire la démonstration.


Aux oppositions qui rendent déjà complexes un accord sur le plan national, vient s’ajouter la difficulté de trouver un modèle d’intégration politique qui puisse satisfaire la diversité des traditions qui imprègnent l’histoire de chacun des pays membres de l’Union.


Au niveau européen, il est urgent de changer de paradigme et cesser de prétendre que le traitement des dossiers économico-financiers – aussi importants soient-ils – constitue un devoir nécessaire et surtout suffisant. La priorité absolue doit être de créer une véritable adhésion citoyenne à la réalisation d’une Europe politique, tant il est évident que seul l’Union, dotée de pouvoirs adéquats, pourra apporter une réponse crédible à la crise économique et financière. Ainsi pourra-t-on s’atteler, non seulement aux problèmes du chômage et du pouvoir d’achat, mais aussi à ceux de la sécurité et de la justice dont le maintien est intimement lié à la lutte contre la précarité et le maintien des acquis sociaux.

En principe, un degré d’optimisme paraît justifié parce que l’Europe dispose globalement des ressources nécessaires pour surmonter la crise, grâce à sa richesse, son niveau d’éducation et sa capacité de recherche et d’innovation, mais leur mobilisation efficace nécessite impérativement une intégration plus poussée contrebalancée par une solidarité accrue.

Par contre, le déficit de volonté politique dans chacun des pays membres de l’Union, constitue son plus grand handicap. Sans une mobilisation générale de l’opinion publique en faveur de la construction européenne, les propagandistes du « rêve nationaliste » auront un boulevard ouvert devant eux, capitalisant sur l’incapacité de leurs opposants à s’entendre sur l’essentiel.

C’est donc à la classe politique qu’il revient de prendre clairement la direction des opérations; les financiers et autres acteurs économiques responsables se mettront alors très volontiers à leur service !

Paul Goldschmidt

Comment la Chine rachète la Grèce!



Depuis la crise, la Chine investit massivement en Grèce.
Alors que le gouvernement Samaras va lancer dans les prochains mois une vague de privatisations, les Chinois veulent jouer les premiers rôles. Deux petits drapeaux grec et chinois trônent sur le bureau de Constantine Yannidis, à Athènes. Le jour est important : le président de la Chambre de commerce sino-hellénique reçoit la visite d’une dizaine d’entrepreneurs venus de la province chinoise de Jiang-Su. Ces dernières années, les Chinois montrent un intérêt croissant pour la Grèce, et les délégations investissent le bureau de M. Yannidis.

Une hausse de 250% des exportations

« En 1972, nous échangions pour 1 million de dollars. En 2012, le commerce gréco-chinois représente plus de 4 milliards de dollars »,détaille Constantine Yannidis. En un an, les exportations de la Grèce vers la Chine ont flambé. Au premier trimestre 2012, on enregistre une hausse de 250% par rapport à la même période sur l’année précédente. Le coton, le marbre et le vin grecs sont les produits les plus prisés des Chinois. Preuve de l’appétit de l’Empire du milieu, entre 2006 et 2010, la Chine a multiplié ses investissements dans l’industrie en Grèce par 1.000!

Un plan Marshall Chinois

« La Grèce n’est pas seulement la porte d’entrée de l’Europe. C’est aussi une voie d’accès pour la mer Noire, le Moyen-Orient, les Balkans», analyse Spyros Kouvelis, ancien ministre délégué aux Affaires étrangères, chargé de la diplomatie économique,entre 2009 à 2011. De par cette position stratégique, la Chine veut investir davantage dans l’énergie et les transports.

Alors que le gouvernement grec, sous pression de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), qui débarque cette semaine à Athènes pour mener une nouvelle mission, s’apprête à lancer un plan massif de 28 privatisations dans les prochains mois, la Chine veut décrocher les premiers contrats. « Pour la compagnie publique ferroviaire, les Russes et les Chinois sont fortement intéressés. La Chine reste également très attachée aux entreprises touristiques, et à la construction où ils sont très bons », confie Areti Skafidaki, première secrétaire aux Affaires économiques du ministère des Affaires étrangères grec.


Cosco, symbole de l’ambition chinoise en Europe

Car l'intérêt chinois pour la Grèce ne date pas de la crise. Dès 2005, le gouvernement de droite de Kostas Karamanlis tend la main à la Chine. En 2006, l’entreprise chinoise de télécommunications, Huawei, s’allie avec le grec OTE. En octobre 2010, Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, et son homologue grec, Georges Papandreou, signent 13 contrats de coopération économique entre les deux pays.

Wen Jiabao qualifie alors la Grèce de « partenaire le plus crédible de l'Union européenne ». Le Premier ministre chinois est convaincu qu’«au cours des cinq prochaines années, le volume du commerce entre les deux pays doublera, à 8 milliards de dollars. » A côté des transports et de l’énergie, les investisseurs chinois sont issus des télécoms (Zhongxing Telecom Equipment) ou de la construction (BCEGI). Et d’après plusieurs sources, l’ambassade chinoise en Grèce encourage l’implantation de petits commerçants chinois, en coopération avec le gouvernement grec. « Nous avons facilité la législation entre les deux pays. Les visas sont accordés plus aisément », avoue Spyros Kouvelis.

Petits commerçants

En 2008, la Grèce concède deux des trois embarcadères du Pirée, le port d'Athènes, à l’entreprise chinoise Cosco, pour 35 ans. Le géant chinois s’installe officiellement en juin 2010, sous la bannière de sa filiale, Pireus Container Terminal (PCT). « Notre chiffre d’affaires a progressé de 73% en 2011 », se félicite Tassos Vamvakidis, directeur commercial de Cosco. Si en 2009, des partis politiques, à l’image du Pasok, et des syndicats, se sont opposés à la privatisation d’une partie du port par les Chinois, les avis sont aujourd’hui partagés. « Beaucoup de gens travaillent pour Cosco », commente un restaurateur de Perama, le village voisin. « Ils engendrent des bénéfices et offrent la garantie d’un travail. »Le géant chinois du transport maritime emploie 750 salariés, dont seulement 8 chinois. « Nous sommes une compagnie grecque», assure fièrement Tassos Vamvakidis.

Main d’œuvre européenne, management chinois

La Chine se tourne désormais vers le « made in Europe ». Une délocalisation d’une partie de sa production sur le Vieux continent, afin de réduire les coûts et s’ajuster aux normes européennes. « Les Chinois essayent de s’adapter. J’ai connu d’autres nationalités, comme les Russes ou les Arabes, qui imposent plus leurs idées que les Chinois », affirme Spyros Kouvelis. Ainsi de l’entreprise chinoise de produits chimiques CSCC, qui s’est alliée avec la compagnie de poids lourds allemande, MAN, afin d’utiliser la technologie germanique.

Mais en Grèce, si les « bras » sont Hellènes, la « tête » demeure chinoise. La gouvernance des entreprises chinoises reste centralisée depuis Pékin, et les méthodes de travail, tournées vers la productivité, sont parfois loin des standards européens de protection sociale des travailleurs. «Il n’y a pas de planning de travail », confie Dimitrios, qui a travaillé 9 mois comme docker chez Cosco. « Tu reçois un SMS et trois heures après, tu dois être au travail. Tu n’as pas le droit d’être absent, sinon tu es sur la liste noire.» Au Pirée, côté Chinois, le statut est intérimaire, les salaires restent inférieurs au côté grec, et la couverture sociale, moindre.

Accords collectifs inexistants

Alors que le chômage en Grèce atteint 22,5% au premier trimestre 2012, les entreprises chinoises profitent ainsi de la crainte de perdre son emploi face à la crise. Sur l’embarcadère numéro 2 du Pirée comme en Chine, les accords collectifs sont inexistants. « J’ai été licencié car j’ai essayé de créer un syndicat », déplore Dimitrios. « Les employés sont effrayés à l’idée de faire grève. » Nikos, docker à l’embarcadère numéro un, résume, amer : « La Grèce est la porte d’entrée en Europe pour les mauvaises conditions de travail des Chinois ».

Au-delà de la position stratégique de la Grèce, la Chine a compris sa chance d’investir dans un pays en proie à une administration instable et à la régulation plus souple. « Un pays en crise est un pays vulnérable », explique Spyros Kouvelis. Cosco a ainsi convaincu le puissant lobby des armateurs grecs de construire ses bateaux en Chine, à bas coût. « Les armateurs grecs sont internationaux. Ils construisent des bateaux avec un rapport qualité-prix », justifie Nikos Vernicos, président de la Chambre internationale grecque de commerce, et lui-même armateur. « C’est une concurrence déloyale pour les autres ports européens, qui ont d’autres normes », regrette Giorgios Gogos, Secrétaire général de l’Union des dockers du Pirée.