lundi 30 janvier 2012

Stiglitz exhorte les Européens à repenser leur gestion de la crise

Le prix Nobel d'Economie, connu pour ses positions keynésiennes, compare les politiques d'austérité actuelles à la pratique de la saignée dans la médecine médiévale. Seul l'investissement public peut casser cette spirale infernale, juge-t-il.


Que Joseph Stiglitz, prix Nobel d'Economie réputé pour ses positions anticonformistes, se distingue dans son analyse de la crise européenne, est certes logique. Mais hier,lors du Forum financier asiatique de Hong Kong, le célèbre économiste a eu des mots d'un rare pessimisme au sujet du Vieux Continent. Pour lui, les responsables européens, sous la pression d'un consensus financier douteux, sont en train de mener leurs pays au chaos, et la monnaie unique à une disparition presque inévitable.
L'Europe, a jugé l'économiste, est en train de « rendre la faveur aux Etats-Unis », en exportant à son tour une crise de plus en plus inextricable et globale. En cause : des politiques d'austérité « clairement insoutenables ». Au lieu de finaliser, dès 2010, l'édifice politique qui aurait rendu la zone euro cohérente et tenable, les pays d'Europe ont imposé à la Grèce un serrage de ceinture qui n'a fait qu'augmenter le poids de sa dette publique -car l'effondrement de la conjoncture a fait fondre les recettes fiscales. « Bien que l'austérité soit néfaste, la réponse politique est d'en exiger toujours plus », a critiqué le professeur de l'université américaine Columbia. Avant de comparer cet acharnement à « la pratique de la saignée dans la médecine médiévale ». Au final, la crise voit vaciller des pays comme l'Espagne et l'Irlande « qui avaient pourtant des budgets excédentaires avant la crise ».
Que faire ? Relever les taxes pour, au contraire, pouvoir dépenser plus, et jouer ainsi sur l'effet de multiplicateur budgétaire, « base de la théorie économique », censé démultiplier sur le PIB l'augmentation de la dépense publique « avec un facteur allant de un à trois ».
La véritable urgence est de repenser l'architecture financière mondiale, assure Stiglitz. Avec deux mots clés : régulation et transparence. Régulation car la seule période longue de stabilité financière qu'ait connue le monde est celle qui a suivi la crise de 1929, qui se caractérisait par la présence de garde-fous solides. Depuis les dérégulations des années 1980, « la fréquence des crises financières ne cesse de s'accélérer ». Et le coût collectif de ces crises, ajoute Stiglitz, est « très nettement supérieur à ce qu'aurait coûté la mise en place de régulations adéquates ». Quant à la transparence, elle est plus que jamais nécessaire pour ramener de la sérénité sur la planète financière. Il suffit pour s'en convaincre de se pencher aujourd'hui sur le marché des CDS (Credit default swaps, qui permettent d'assurer un acquéreur de titres financiers) rattachés aux dettes souveraines européennes. Aujourd'hui, nul n'est en mesure de savoir comment ces produits sont répartis dans le monde, prévient-il. D'où le caractère potentiellement explosif d'un défaut de paiement d'un pays européen qui « pourrait geler le marché mondial du crédit d'une manière comparable à ce que nous avons connu en 2008 ».
Au final, celui qui, à la fin des années 1990, avait vu juste en critiquant les politiques exigées par le FMI pour venir en aide aux pays asiatiques, estime que la question qui s'impose peu à peu est « comment l'euro va finir ?». Jusqu'où les peuples d'Europe accepteront-ils cette potion amère ? s'interroge-t-il en précisant que le chômage des jeunes dépasse 40% en Espagne depuis 2008. Et de rappeler le destin de l'étalon or après la crise de 1929 : « ce sont les premiers pays à l'avoir quitté qui s'en sont sorti le mieux ».
A lire également sur Le Cercle Les Echos  : Joseph E. Stiglitz « 2012, année de tous les périls ? »
GABRIEL GRÉSILLON, À HONG KONG

samedi 28 janvier 2012

Grève nationale en Norvège contre la transposition d'une directive européenne de libéralisation du marché du travail



Les syndicats norvégiens ont lancé mercredi dernier une grève générale contre le projet gouvernemental de transposition d'une directive de l'Union européenne sur les travailleurs temporaires et intérimaires dans le droit national et le dumping social qu'elle déclencherait.

Le fait que l'action de grève nationale se soit produit contre une directive qui s'inscrit dans une large mesure dans l'agenda de l' « Europe sociale », ce qui en dit long sur ce que cet agenda porte concrètement.

Les Norvégiens ont rejeté par deux fois l'adhésion à l'Union européenne lors de référendums, mais le pays a rejoint l'Espace économique européen (EEE) en 1994 et est membre de l'Association européenne de libre-échange (AELE) aux côtés de l'Islande et du Liechtenstein.

L'adhésion d'Oslo à l'EEE signifie qu'elle doit effectivement suivre les règles de l'UE sur la libre circulation des biens, services, du capital et du travail en échange de l'accès au marché unique européen.

Cependant, un récent sondage laisse entendre que 76% des Norvégiens voulaient que leurs pays reste en dehors de l'UE.

Des manifestations syndicales massives se sont tenues dans près de 40 villes dont Oslo, Bergen, Trondheim, Kristiansand, Stavanger, Haugesund, Tromsø, Gjøvik, Raufoss, Fredrikstad, Arendal, Porsgrunn et Sarpsborg.

Les syndicats affirment que la mise en œuvre de la directive européenne sur les travailleurs temporaires et intérimaires remettra en cause le code du travail Norvégien et diffusera à tous les niveaux l'emploi de travailleurs temporaires et intérimaires, signifiant la fin des contrats stables et affaiblissant les droits des travailleurs et les conventions collectives.

La directive donne également l'autorité suprême en terme de législation du travail à la Cour de l'AELE, un corps judiciaire supra-national responsable pour les trois membres de l'EEE/AELE, l'Islande et le Liechtenstein et la Norvège.

Cette cour ressemble fortement à la Cour européenne de Justice de l'UE qui a déjà rendu des jugements draconiens battant en brèche les droits syndicaux à la négociation collective dans les pays voisins de la Suède et de la Finlande, avec les affaires Laval et Viking.

La Cour européenne a statué que, selon les traités européens, les droits du patron d' « établissement » ont une valeur supérieure aux droits syndicaux fondamentaux, jugements qui ne sont pas passés inaperçus en Norvège.

La Confédération norvégienne des syndicats (LO) exige que le gouvernement rejette la directive et mette en place des lois qui assurent que les salaires et les conditions de travail de tous ceux qui sont embauchés soient les mêmes que ceux des employés en CDI.

La Loi sur l'environnement de travail, mise en place en 1994, établit actuellement l'emploi stable comme la norme en Norvège, avec des exemptions réglementées dans l'usage des contrats de travail temporaires.

Soutenant la grève, le secrétaire de la Fédération internationale des travailleurs du transport David Cockroft a déclaré que la législation Norvégienne sur l'emploi temporaire et le travail contractuel était une des meilleures au monde.

« La directive ne risque pas seulement de transformer une bonne loi en une loi médiocre – elle pourrait également arracher des droits dont jouissent actuellement les travailleurs et ouvrir la porte à leur remplacement par un personnel intérimaire et précaire qui bénéficiera d'une protection du travail inférieure », a-t-il déclaré.

Le président de  Fédération internationale des travailleurs du transport Paddy Crumlin a déclaré que les syndicats et les travailleurs Norvégiens intensifiaient la lutte pour défendre une législation qui « répond aux objectifs qu'elle est censée défendre ».

La Norvège enregistre un niveau de chômage faible en comparaison avec de nombreux autres pays Européens et fait une utilisation bien moindre du travail temporaire. La croissance du nombre de travailleurs temporaires et intérimaires est inégale dans toute l'Europe mais est inextricablement liée au niveau de dérégulation de l'économie en phase avec les directives néo-libérales de l'UE au sein du marché unique.

Selon les chiffres datant de 2007, on comptait en Norvège seulement à 8 172 travailleurs intérimaires et temporaires. En Grande-Bratagne, on en comptait alors 1,2 millions de travailleurs de ce type. Ces chiffres ont probablement explosé depuis au sein de l'UE et des pressions sont exercées afin que le nombre de travailleurs temporaires augmente en Norvège.

Un récent rapport, commandé par le gouvernement, du professeur Fredrik Sejersted de l'Université d'Oslo a révélé que la Norvège avait adopté 75% des directives de l'UE ces dernières années et que plus de 6 000 directives européennes ont été transposées dans le droit Norvégien. « Nous sommes presque aussi profondément intégrés que le Royaume-Uni », a-t-il déclaré.

Son rapport « Outside and Inside » soulève les questions que cela pose pour la société, l'économie et la démocratie Norvégienne et exprime son inquiétude quant aux conséquences politiques de l'adoption des politiques européennes « sans aucun droit de vote correspondant ».

Sejersted dénote un « important déficit démocratique », suggérant qu'en parallèle à l'intensification de l'intégration de la Norvège à l'UE, le niveau de compréhension de la situation dans les médias, la vie politique et l'opinion publique s'est considérablement affaibli.

« Il n'y a guère d'autres domaines au sein de la démocratie Norvégienne aujourd'hui où un si grand nombre de personnes en sait aussi peu, comme c'est le cas pour ce qui est de la politique européenne de la Norvège », a-t-il affirmé.

Les europhiles de tout bord politique vont sans doute reprocher aux travailleurs Norvégiens de résister à cette progressive dérive néo-libérale et les qualifier d' « égoistes », de « protectionnistes » ou même de « racistes », en refusant la dérégulation générale de l'encadrement légal des pratiques de travail.

Néanmoins, cette grève révèle le fossé croissant entre les revendications démocratiques des électeurs Norvégiens et les manœuvres de la classe politique Norvégienne et sa collusion avec l'UE dans la mise en œuvre de son agenda social et économique néo-libéral, et ce sans aucun mandat populaire.

Source: Morning Star, quotidien du PC Britannique

lundi 23 janvier 2012

"Dans la zone euro, c'est le marché qui gouverne"


La politique ne se fait pas à la corbeille", lançait le général de Gaulle le 28 octobre 1966 quand la Bourse plongeait, après avoir exagérément monté, en 1962. L'économiste André Orléan, directeur de recherche au CNRS, rappelle cette formule pour montrer, dans un entretien au Monde, que le pouvoir politique est aujourd'hui assujetti aux décisions des marchés financiers. De la même façon, il trouve "disproportionné" l'affolement qui a suivi la dégradation de la note de la France par l'agence de notation Standard & Poor's.

André Orléan, 61 ans, vient de recevoir le prestigieux prix Paul-Ricoeur pour son ouvrage L'Empire de la valeur. Refonder l'économie (Seuil, 2011). Il déploie dans ce livre une critique de fond des économistes "néoclassiques", qui veulent fairecroire à l'"objectivité" des valeurs financières, quand lui décrit un système subjectif. Pour éviter les fausses évaluations, les crises et les krachs cycliques, mais aussi les politiques de rigueur imposées aux populations, André Orléan affirme qu'il fautrepenser la notion de valeur, en comprendre les limites, redonner sa force aupouvoir politique.
C'est pour s'atteler à cette réflexion qu'André Orléan préside l'Association française d'économie politique (AFEP), qui milite pour le pluralisme dans l'enseignement et la recherche en économie. Il est aussi un des quatre signataires du Manifeste d'économistes atterrés (éd. Les liens qui libèrent, 2010), qui remettent en cause la politique de l'Union européenne dans le traitement de la dette souveraine. Le quatuor vient de publier aussi Changer d'économie ! Nos propositions pour 2012(éd. Les liens qui libèrent).
Qui gouverne en Europe ?
Dans la zone euro, c'est le marché. Le pouvoir politique se conforme à ses priorités et craint ses évaluations. On le voit encore avec la dégradation de la note de la France par Standard & Poor's. En même temps, le marché financier est un souverain profondément erratique et incohérent. Il n'est jamais satisfait, comme on le constate avec ces politiques de rigueur qui s'accompagnent d'une croissance faible, elle-même source de nouvelles difficultés. Au final, on a l'impression que, dans la zone euro, la confiance ne reviendra jamais.
Historiquement, la primauté du politique, c'est-à-dire sa capacité à encadrer les intérêts financiers, a eu comme instrument essentiel la banque centrale. Il ne faut pas perdre de vue cette réalité : c'est par le biais de la puissance monétaire qu'il a été possible de faire prévaloir l'intérêt collectif. Mais cela suppose que la banque centrale soit placée sous l'autorité du pouvoir politique. C'est ce qu'on constate dans les grandes démocraties. Cependant cette architecture, qui a fait ses preuves, n'a pas été adoptée par la zone euro. Une Banque centrale européenne (BCE) coupée du politique est une très mauvaise chose. Elle est, en elle-même, l'expression d'une crise très profonde de la démocratie européenne, de son impuissance congénitale.
D'ailleurs, il serait plus exact de dire que l'autonomie radicale de la banque centrale, plus que le résultat d'une doctrine, est la conséquence du fait qu'il n'existe pas de facto de souveraineté européenne. Car l'histoire montre qu'un véritable souverain sait capter à son profit l'institut d'émission, quel que soit son statut juridique. Autrement dit, le premier geste d'un véritable pouvoir politique européen serait deplacer la banque centrale sous son autorité.
Quand on entend que "les marchés imposent leurs vues", de quels marchés est-il question ?
Quand on dit "les marchés", on ne dit pas l'économie de marché, ni les marchés de biens. On parle des marchés financiers. On en parle comme s'ils résumaient toute l'économie, et qu'ils étaient rationnels et stables. S'ils étaient aptes à produiredes estimations correctes des valeurs et des prix, leur rôle serait utile. Le problème vient du fait qu'il n'en est rien. Ils sont, de ce point de vue, très différents des marchés de biens. Ceux-ci traitent de marchandises réelles, ayant une utilité que les consommateurs peuvent juger, alors que les marchés financiers reposent sur des paris subjectifs, spéculatifs. Ce sont des marchés de promesses. On y vend et achète des anticipations. Leur logique est d'une nature mimétique : chaque investisseur se positionne en fonction de ce que les autres vont faire. Ils ressemblent fortement à ces médias qui cherchent à découvrir non les informations importantes mais celles susceptibles d'être appréciées par le public.
Pour cette raison, un marché financier est par nature mobile, instable, plein de dérapages incontrôlés. Il s'y produit inévitablement des bulles, qui explosent quand l'écart à la réalité devient trop énorme pour être nié. Or la théorie libérale veut nousfaire croire que les marchés financiers donnent des valeurs pertinentes, des prix objectifs, et qu'au final l'autorégulation va l'emporter. C'est ainsi que la financiarisation a été vendue aux populations.
Cette construction a été démentie par les crises qui se succèdent, depuis 1987 jusqu'au tsunami financier de 2007 et à la crise d'aujourd'hui. On ne peut se fier aux prix financiers, que ce soit un taux d'intérêt, un taux de change ou le prix d'une action.
Pourquoi leur stratégie finit-elle toujours par l'emporter ?
Il n'en a pas toujours été ainsi. Nous vivons même une situation complètement originale. Dans les capitalismes qui l'ont précédée, qu'ils soient "fordien", "rhénan", "managérial" ou autre, le contrôle des entreprises était soit dans les mains de leur propriétaire, soit, lorsque le capital était trop dilué, dans les mains des directions d'entreprise. Il s'ensuivait une forte diversité des points de vue et des évaluations. Dans ces capitalismes, seul le "flottant" était laissé au marché, le reste était géré au sein d'institutions spécifiques, que ce soient des familles, des banques, à la manière du capitalisme rhénan, ou l'Etat, comme dans le cas français.
partir des années 1980, on a liquidé progressivement les blocs de contrôle, jugés trop coûteux, et parce que les jeux du marché faisaient apparaître de fortes opportunités de profit. Ce faisant a émergé une forme nouvelle de capitalisme, financiarisée, où la diversité des points de vue est bien moins marquée car le marché y constitue le coeur des évaluations économiques.
Le capital financier finit-il par englober toute l'activité ?
Que ce soit le marché des actions, qui définit la norme de rentabilité exigée, le marché des changes, qui détermine la valeur de l'euro, ou le marché de la dette, qui impose une rigueur budgétaire, la sphère financière domine tous les choix. Or, à la différence des marchés de biens, la finance a une dimension directement collective. Elle saisit l'économie dans sa totalité à partir d'une analyse de sa macroéconomie, de ses institutions et de sa politique. En conséquence, la primauté du politique sur le terrain de l'évaluation globale se trouve battue en brèche par la finance. C'est une situation inédite, qui met en danger la vie démocratique.
Ainsi, Standard & Poor's justifie sa dégradation de la note française en estimant que l'accord européen du 9 décembre 2011 sur la "règle d'or" budgétaire ne constitue pas "une avancée suffisamment importante" pour sortir la zone euro de la crise. Il n'y a pas lieu de s'offusquer d'un tel jugement : la démocratie suppose la liberté des opinions, et Standard & Poor's peut estimer que la politique suivie met en danger le remboursement de la dette publique.
Ce qui pose problème, c'est le poids disproportionné qui est accordé à cette opinion. A-t-on oublié que ces agences se sont trompées à de multiples reprises - lors de la crise du Sud-Est asiatique en 1997, lors de l'affaire Enron ou lors de l'évaluation des produits titrisés à l'origine de la crise actuelle ? Ce poids disproportionné est le reflet de l'impuissance des autorités politiques à faire valoirune autre vision du monde que celle des intérêts financiers.
Si vous deviez donner un exemple du pouvoir des marchés, ce serait lequel ?
Fin décembre 2011, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de prêter 489 milliards d'euros aux banques au taux très bas de 1 %. Dans le même temps, un pays comme l'Italie doit emprunter, aux banques cette fois, à 5 % ou 6 %. Beaucoup de citoyens s'étonnent de cette différence de traitement au profit des banques. La BCE est bien la véritable puissance financière en Europe. Près de 500 milliards d'euros, c'est considérable, et des prêts à 1 %, pour trois ans, c'est du jamais-vu ! Pourtant, les banques ne se prêtent plus entre elles, leurs notes ont été dégradées, leurs bilans sont encore opaques, la défiance règne. Et de plus, elles n'ont pas vu venir la crise des subprimes, elles ont montré une incompétence notable, et elles ont été sauvées par l'argent public... Nous sommes loin du dogme d'autorégulation des marchés financiers ! En outre, pour une part importante, le financement octroyé aux banques européennes ne va nullement à l'économie réelle mais reste stocké sur des comptes auprès de la BCE !
Pourquoi ces 489 milliards de la BCE vont-ils aux banques et non directement aux Etats ?
La BCE a les moyens d'intervenir pour racheter de la dette. Mais dès qu'il s'agit desoutenir les Etats en difficulté, nos dirigeants et économistes protestent : "Cela vafaire de l'inflation, nous allons plomber les actifs de la BCE." Lorsqu'il s'agit des banques, on ne parle plus des risques inflationnistes ou de solvabilité... On met les Etats endettés entre les mains des marchés financiers, qui vont fixer à leur guise le prix de leur aide : actuellement, pour dix ans, 6,5 % pour l'Italie et 5 % pour l'Espagne. Les pays du Sud européen sont condamnés à consacrer une part considérable de leurs recettes budgétaires au remboursement de leur dette, produisant une réduction drastique des dépenses publiques, dramatique pour leur population.
La BCE n'a donc pas le droit de prêter aux Etats. Doit-on le regretter ?
Oui. C'est un choix discutable. Il existe un dogme de l'indépendance de la BCE vis-à-vis des Etats, en vérité imposé par l'Allemagne. Or, il serait rationnel de soutenirdes pays solvables qui connaissent des difficultés du fait de l'instabilité des marchés. D'ailleurs, c'est ainsi qu'agissent tous les grands pays, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, mais pas l'Europe. Racheter de la dette ne résoudrait pas tous les problèmes. Mais cela changerait profondément le climat actuel.
L'Allemagne impose l'indépendance de la BCE parce qu'elle craint l'insolvabilité de pays du Sud. Se trompe-t-elle ?
On confond crise de solvabilité et crise de liquidités. L'Italie a des dettes importantes mais elle reste solvable. Il est stupide et dangereux de laisser ce payspayer des intérêts élevés. Si la BCE rachetait de la dette publique, les taux d'intérêt se détendraient immédiatement. On pourrait alors aborder les questions fondamentales, sociales, écologiques, sans oublier la croissance.
Mais nous sommes paralysés par l'intransigeance allemande. Nous sommes dans une situation proche de l'entre-deux-guerres, quand déjà les pays européens menaient des politiques déflationnistes, ce qui a conduit au chômage de masse. Il en est ainsi parce que l'Europe reste très marquée par son adhésion au capitalisme financiarisé.
Comment redonner toute sa force à la gouvernance politique ?
Les historiens nous apprennent que la démocratie ne s'identifie pas à des règles formelles. Si le suffrage universel est un élément important de la vie démocratique, il ne suffit pas de convoquer tous les ans le Parlement européen pour avoir une véritable démocratie. Celle-ci reste formelle si elle ne réussit pas à produire une véritable communauté. Or, rien de tel n'existe en Europe - c'est la juxtaposition de 27 corps politiques qui jamais ne se mêlent. La politique européenne se réduit à des rencontres d'experts dominées par les questions techniques - voyez la "règle d'or" - sans que la question du consentement européen soit posée. Le seul modèle véritablement européen proposé à la discussion est celui qu'avancent les marchés financiers ! Il faut dire que l'Europe est intoxiquée par la financiarisation, ce dont témoigne l'omniprésence des hommes de la finance dans les lieux de pouvoir. Aujourd'hui, Goldman Sachs a supplanté l'ENA pour ce qui est des élites européennes.
Le repli nationaliste est-il une solution ?
Je comprends que la crise européenne puisse conduire certains à avoir la nostalgie de ce qui existait "avant" et même souhaiter y revenir : "Quittons l'euro, nous allonspouvoir faire bouger les taux de change, gérer la dette, décider d'une politique industrielle nationale, etc." Mais l'industrie s'est mondialisée. Les leviers dont nous disposerions en revenant à des communautés nationales ne seraient plus à la hauteur des problèmes. J'ai peur que nous n'ayons d'autres choix que de faireémerger une politique européenne.
En même temps, tout montre que c'est là un projet problématique. En supposant même que les gouvernements nationaux abandonnent leur engagement actuel en faveur d'une Europe financiarisée, il sera très difficile de faire en sorte que la juxtaposition de peuples aux destins séparés accouche d'un peuple nouveau. C'est affaire d'histoire commune, pas de gestion.
Ce manque de solidarité européenne ne provient-il pas aussi de la profonde crise sociale que connaissent les populations ?
Il y a certainement un grave malaise en Europe, l'idée que l'ascenseur social ne fonctionne plus, que les politiques ne protègent plus les populations et laissent les services publics se dégrader. La précarisation s'étend, la paupérisation aussi, on assiste à un délitement syndical, beaucoup de gens ont l'impression que rien ne peut être changé. Une sensation d'irrémédiable gagne. Cela joue dans la crise de la représentation politique européenne, qui apparaît de plus en plus comme déconnectée des réalités.
Pourquoi, avec d'autres, avoir fondé les Economistes atterrés et publié le livre "Changer d'économie !" ?
Malgré l'impact mondial de la crise des subprimes, le diagnostic dominant n'a jamais remis en cause le rôle central des marchés. Dans les différents G20, on a certes critiqué l'opacité des opérations financières, les bonus des traders, les erreurs des agences de notation, les paradis fiscaux, mais la financiarisation n'a jamais été remise en cause. Le mot d'ordre est celui d'une finance rendue efficace parce que devenue transparente. Aux Economistes atterrés, nous ne sommes pas d'accord. Côté transparence, les réformes avancent très lentement. On n'a pas vu grand-chose, si ce n'est l'obligation pour les banques de se constituer de nouveaux fonds propres. On voit surtout des lobbys bancaires qui résistent tant qu'ils peuvent. Notre diagnostic est que la finance a acquis trop de poids dans la macroéconomie.
Pour changer l'économie, je mets l'accent sur la promulgation d'un nouveau Glass-Steagall Act. Cette réforme qui fut adoptée aux Etats-Unis en 1933, puis abandonnée en 1999, institue une incompatibilité radicale entre les métiers de la banque de dépôt et de la banque d'investissement. Ce faisant, il s'agit de faireconnaître publiquement la dangerosité de la spéculation et d'en protéger le circuit des dépôts et du crédit.
Une des propositions des Economistes atterrés est que les pays de la zone euro devraient pouvoir pratiquer des politiques budgétaires autonomes - cela implique que la BCE garantisse les dettes. Nous proposons aussi de réduire les niches fiscales et d'imposer plus fortement les plus hauts revenus. J'ajouterai que les banques doivent être incitées à faire leur métier, à savoir investir dans l'économie réelle, créatrice de biens et d'emplois. Il faut réorganiser le métier bancaire, ledétourner de la spéculation. Et, chaque fois qu'est proposée une innovation financière, se demander si elle est bonne pour l'économie réelle. Ce serait là un complet changement d'orientation.

À LIRE :
Changer d'économie! Nos propositions pour 2012, par Les Economistes atterrés (Ed. Des liens qui libèrent, 280p., 18,50€)
L'empire de la valeur. Refonder l'économie, d'André Orléan (Seuil, 2011)
Propos recueillis par Frédéric Joignot

L’Empire américain a-t-il perdu la face ?



Mercredi, Obama a annoncé qu’il s’opposait à la création de l’oléoduc transcanadien, Keystone XL, qui devait transporter le pétrole de l’Alberta jusqu’au Texas.  Le ministre canadien du pétrole, Joe Oliver, s’est donc immédiatement tourné vers la Chine, tout en déclarant: “moins compter sur les Etats-Unis, nous aidera à renforcer la sécurité des finances canadiennes.” “Les Etats-Unis deviennent une source d’incertitude”.
Si le Canada ne fait plus confiance à Washington et se tourne vers Pékin, l’Empire vacille.
Jeudi, la Turquie et l’Iran ont annoncé, qu’ils allaient augmenter leurs échanges financiers et améliorer les relations de leurs Banques Centrales.
Vendredi, l’Inde a annoncé qu’elle continuerait à acheter Pétrole et Gaz à l’Iran en remplaçant le Dollar par la roupie.
C’est une énorme claque pour la crédibilité d’Obama, qui avait promis des sanctions sévères à ceux qui feraient des échanges avec l’Iran.
La Chine, la Russie, le Japon, l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud et l’Iran représentent un bloc financier très important, qui vient d’ouvrir une brèche énorme dans l’autorité de l’Empire américain, qui impose depuis 1973 que les produits pétroliers soient négociés en Dollar.
Les accords bilatéraux Sino-brésiliens, russo-allemands, sino-japonais, turco-iraniens, russo-iraniens, etc.,   entre les plus gros producteurs et les plus gros consommateurs d’énergie de la Planète, mettent à mal le Dollar américain. Le perte de son statut de monnaie internationale dans les transactions financières et commerciales entre les B.R.I.C. est désormais un fait établi. Le Dollar ne peut que faiblir fortement devant cet état de fait, quelle que soit la crise obligataire actuelle à l’intérieur de l’Europe, qui est montée en épingle mais est relativement secondaire face à l’effondrement de la confiance dans le Billet Vert.
Les banques américaines vont fortement ressentir les effets de cette désaffection pour la monnaie US.

La politique de la canonnière
On peut craindre que les Etats-Unis réagissent violemment au fait que personne n’ait suivi leurs menaces de sanctions contre les partenaires commerciaux de l’Iran. Ils pourraient lâcher la bride à Israël, les laissant attaquer les cibles iraniennes. On se souvient que le porte-avions USS STENNIS avait traversé le Détroit d’Ormuz vers la Mer d’Oman pendant une manoeuvre de la Marine iranienne simulant la fermeture du Détroit. Un général iranien avait alors interdit à ce porte-avions américain de franchir le détroit en sens inverse, pour revenir dans le Golfe Persique.
Officiellement, le STENNIS a été désaffecté de la Ve Flotte et devrait être sur la route du retour vers les USA, pour être remplacé par le USS LINCOLN. Pratiquement, sur son site Face-book, vendredi dernier, le STENNIS montrait une photo où les deux porte-avions naviguent bord à bord, dans la même direction. Les Américains vont ils avoir 3 porte-avions cette semaine face à l’Iran ?
Quoiqu’ils fassent, le Dollar aura perdu de sa superbe et de sa puissance financière.

Par Menthalo – Liesi

dimanche 22 janvier 2012

L'Iran et la Russie suppriment le dollar de leurs échanges commerciaux


IRIB- L'ambassadeur iranien, à Moscou, a fait part de la suppression du dollar, dans leurs échanges commerciaux entre les deux pays. Le Rial et le Rouble remplaceront le dollar, dans ces échanges. Les deux parties sont parvenus à un accord final, sur la suppression du dollar, dans les échanges commerciaux.

L’Allemagne a été dégradée par Egan-Jones



L’agence de notation américaine Egan-Jones vient d’abaisser d’un cran la note attribuée à la dette de l’Allemagne avec perspective négative, en raison du fardeau financier que devra assumer le pays en participant aux plans de sauvetage de la zone euro. “L’Allemagne reste l’économie la plus forte de l’Union européenne”, note la petite agence de notation, qui accorde désormais à la dette allemande la note AA-, au lieu de AA. Pour l’agence Egan-Jones, c’est l’exposition de l’Allemagne à une série de facteurs inquiétants qui justifie cette dégradation. Bien sûr, les banques allemandes, comme les autres, sont copieusement garnies de dettes souveraines de pays en grande difficulté et constamment dégradés par Standard and Poor’s. Mais on s’attend, pour l’Allemagne, à un déclin de l’activité économique du fait des plans d’austérité imposés en Europe, et par conséquent une épée de Damoclès plane sur le chômage allemand. En outre, la chute constante de l’euro face au dollar serait un facteur inflationniste à prendre en compte. 
A la lecture des avertissements contenus dans le rapport de cette agence de notation, les Allemands sont inclinés à conclure : si nous poursuivons le soutien des pays faibles dont les intérêts des dettes explosent avec les primes de risque qu’imposent les fonds d’investissement anglo-américains, nous risquons gros ! Un extrait significatif : « Si les pays forts de l’UE continuent à soutenir largement les pays faibles, l’Allemagne sera touchée »
Rappelons ce commentaire plutôt étonnant de Moritz Krämer, responsable de la notation des pays européens au sein de l’agence Standard and Poor’s : l’Allemagne gardera sa note AAA, même si le pays entre en récession

Question

Quelle est la stratégie recherchée par Standard and Poor’s, qui n’est qu’un instrument de pouvoir des factions oligarchiques américaines du cartel bancaire? Nous vous laissons débattre. Nous reviendrons pour notre part sur ce point dans le prochain numéro de LIESI, comme sur le remplacement du chef économiste allemand de la BCE, par un belge, ami du président de la banque centrale européenne, Mario Draghi, ex-associé de LA FIRME américaine Goldman sachs… Tout cela n’est pas anodin et nous promet bien des surprises. 
LIESI 

Une année noire pour l’Europe?


La Banque mondiale a baissé son ancien pronostic de la croissance économique globale. Elle a nommé le principal coupable de la réduction - la crise de dettes de la zone  euro. Cette conclusion   est confirmée aussi par les principaux politiques de l’UE.

Par exemple, le chef de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a annoncé: «nous nous trouvons dans la zone euro au seuil d’une récession technique».  Le terme signifie l'absence de la croissance du PIB pendant deux trimestres. 

Le FMI  a annoncé l'intention d’augmenter plus de  deux fois le fonds anticrise - jusqu'à un trillion de  dollars - au cas où il faudra secourir l'Italie et (ou) l'Espagne. Le  fonds européen de stabilisation  n’a pas assez de moyens pour le soutien des  économies  aussi  grandes. Mais les  États-Unis, le Canada, le Japon et la Corée du Sud s’y opposent  car, à leur avis, l'Europe est assez riche pour se débrouiller elle-même. 

Donc, tout le monde doit donc se préparer à une nouvelle crise financière, comparable avec celle de 2008, comme  la Banque Mondiale le prône? Le professeur Iakov Mirkine, le directeur de l'Institut des marchés financiers et de l'économie appliquée de l'Académie Financière, conseille de ne pas s'empresser de se mettre en deuil. 

«Les pronostics économiques – c’est  quelque chose de très relatif. À la longueur de l'année, les pronostics des principaux instituts des finances changent plus d'une fois en fonction de la conjoncture économique. Les dernières données témoignent de ce que l'activité de l'économie extérieure a commencé à s'améliorer. Nous voyons les données encourageantes sur la réduction du chômage aux États-Unis, ainsi que dans la zone euro. C'est pourquoi il n'est pas exclu, comme cela est arrivé plusieurs fois, la période que tous considèrent comme le fond soit le point d’un nouveau départ. 

Certes, cette année sera beaucoup volatile. La liquidité, l'argent ne sont pas une ressource illimitée. Maintenant, nous observons un  phénomène intéressant mais extrêmement désagréable, par exemple, pour la Russie. C’est le reflux de la liquidité des marchés en voie de développement, avant tout dans les actifs des États-Unis, dans l'or, sa concentration en Europe. Je veux dire qu'il y a des processus plus fondamentaux,  sur leur toile de  fond, même le mouvement des instituts fondamentaux comme le FMI, la Banque Mondiale, les mécanismes de stabilisation de la zone euro  apparaissent comme des petits bateaux flottant sur la surface. Et il est tout à fait possible que dans deux-trois mois nous oublions le besoin de l'augmentation des fonds anticrises. Nous examinerons d'autres problèmes: les rythmes de la croissance, le fait  que la crise est réglée dans ses points les plus sensibles et les projets pour l’avenir. Le passage de la Banque Centrale  européenne à la politique de l'allégement monétaire fera   un apport    décisif dans le règlement des dettes problématiques. Certes, cela augmentera un peu l'inflation dans la zone euro, mais, assurément, cela amènera au règlement de cette crise. Or, l'économie de la zone euro sera secouée, elle se remettra et débouchera vers un point de croissance».  

Le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble a appelé à ne pas perdre la tête même sous l'effet des estimations négatives des agences de notation financière au seuil des nouvelles baisses possibles des cotes promises déjà par «Fitch», cette fois. Cette agence menace de gâter la cote de crédit à six autres pays de la zone euro, bien que certains médias européens aient  flatté l’agence, l’ayant traité de "thermomètre" fixant la santé des économies. Le seul problème est que ce "thermomètre" ment souvent. 

french.ruvr.ru 

jeudi 19 janvier 2012

La police italienne perquisitionne le siège milanais de Standard & Poor's


La justice italienne enquête sur une éventuelle manipulation de marché par S&P et Moody's en 2010.


La police italienne a effectué jeudi des perquisitions au siège de l'agence de notation de Standard and Poor's (S&P) à Milan dans le cadre d'une enquête pour manipulation de marché ouverte en 2010 contre Moody's et élargie ensuite à S&P, a indiqué un avocat de S&P.
«Il s'agit de perquisitions», dans le cadre «d'une enquête du parquet de Trani (sud)», a déclaré à la presse Giuseppe Fornari, avocat de l'agence, qui a assuré ne pas en savoir plus.
Une source proche de l'enquête à Milan a confirmé à l'AFP ces perquisitions, effectuées par la police financière de Bari (sud) sur ordre du parquet de Trani, mais sans donner plus de de détails. La porte-parole de S&P à Milan n'était en revanche pas joignable dans l'immédiat.
Le parquet de Trani a ouvert fin 2010 une enquête pour manipulation de marché à la suite d'une plainte déposée par des associations de consommateurs contre un rapport de Moody's, concurrente de S&P, datant de mai 2010 à cause de l'effet négatif qu'il avait eu sur les cours de Bourse des banques italiennes.
Dans ce rapport, Moody's mettait en garde contre un risque de répercussion d'une éventuelle dégradation de la note de certains pays européens, comme l'Italie, sur leur système bancaire comme cela avait été le cas pour la Grèce.
L'enquête avait ensuite été élargie à Standard and Poor's après la publication de communiqués sur l'Italie durant le printemps et l'été 2011, le parquet estimant qu'ils contenaient des jugements infondés sur la péninsule ayant eu un effet négatif sur les marchés.
En mai, l'agence avait publié un communiqué pour annoncer qu'elle envisageait d'abaisser la note de l'Italie et en juillet un autre pour souligner que des «risques» pesaient encore sur les objectifs de réduction du déficit malgré la présentation d'un nouveau plan d'austérité.
S&P a depuis dégradé la note de l'Italie d'un cran en septembre et de deux crans vendredi dernier à BBB+. Les agences de notation sont accusées d'accentuer la crise de la zone euro en dégradant la notation de pays européens à des moments clés.
(AFP)