La crise de l'euro traîne en longueur depuis plus de deux ans et empoisonne l'activité économique de l'Union européenne.
Pour être précis, ce n'est pas une crise monétaire, car l'euro est une monnaie dont aucun usager ne cherche à se défaire, et qui est bien gérée par la Banque centrale européenne (BCE).
C'est une crise liée à l'évolution spéculative du système bancaire libéré de toute réglementation sous la pression de l'administration de Bill Clinton et de Robert Rubin, secrétaire au Trésor américain de 1995 à 1999, et aggravée par la gestion budgétaire irresponsable de plusieurs Etats de la zone euro, qui se croyaient protégés par la nouvelle monnaie.
L'agitation désordonnée et quotidienne des intervenants, dont la plupart appartiennent aux lobbies anti-euro et qui sont assoiffés des profits que leur procurerait la dislocation de la zone euro, trouble les esprits et rend difficile le retour à une situation apaisée. A peine la crise bancaire espagnole est-elle traitée qu'on se tourne aussitôt vers l'endettement italien !
Face à cette offensive, la défense a du mal à se faire entendre, et son silence s'explique par une lacune évidente : la zone euro ne dispose d'aucune organisation qui puisse la défendre, et coordonner les réactions de ses membres. Il est extravagant de constater que la deuxième monnaie de la planète ne dispose d'aucune instance permanente pour coordonner l'activité économique et les prises de position des Etats qui l'utilisent !
Certes, il existe bien l'Eurogroupe, présidé avec conviction et talent par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, mais il ne s'agit que de la réunion périodique des ministres des finances. Chacun sait que ceux-ci ne siègent pas au sommet de leurs Etats où les décisions majeures sont prises par les présidents et les premiers ministres.
Les institutions européennes de Bruxelles, en particulier la Commission, non réformée depuis le grand élargissement, cherchent à s'insérer dans le dispositif, mais elles ne peuvent que compliquer le jeu, car un tiers de leurs membres n'utilisent pas l'euro, et une minorité influente s'oppose à tout nouveau progrès de l'intégration européenne.
Il devient alors impossible de leur confier le soin de gérer les problèmes de l'euro. En revanche, elles conservent toutes les compétences non monétaires que leur attribuent les traités de Maastricht et de Lisbonne.
Ainsi le paysage est clair. C'est aux Etats de la zone euro, et à eux seuls, qu'il appartient de se doter des instruments leur permettant de coordonner leurs politiques budgétaires, et de mettre progressivement en place le volet économique symétrique du volet monétaire.
Ils n'ont besoin que de quelques outils dont ils peuvent décider eux-mêmes la mise en oeuvre, et qui sont indispensables. J'en vois trois :
1. Une réunion régulière, à jour fixe, des chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro pour un "conseil de l'Euro". Le rythme mensuel paraît approprié. Cette réunion fixera la règle concernant sa présidence. Elle ne nécessite aucun traité .
2. La désignation d'un secrétaire général de la zone euro. A l'image de ce qu'a été Robert Marjolin au temps de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), une grande stature personnelle, un bon diplomate, connaissant bien l'économie : il s'agirait d'un haut fonctionnaire entouré d'une équipe réduite qui prendrait note des décisions, suivrait leur application, et en rendrait compte aux chefs de gouvernement. La décision de le mettre en place peut être prise par les chefs de gouvernement de la zone euro.
3. La surveillance des engagements pris en matière de finances publiques serait exercée au niveau de ce "conseil de l'euro" où siégeraient à la fois les créanciers et les éventuels débiteurs, autrement dit les payeurs et les demandeurs, ce qui assurerait une contrainte plus efficace que le recours à un système administratif.
Un accord entre les Etats de la zone euro, reprenant certaines des propositions du Parlement européen, organiserait cette surveillance. Il devrait être ratifié par les Parlements nationaux.
La zone euro est encore orpheline, ce qui explique son désarroi. Que ses dirigeants appliquent leur volonté politique en la dotant rapidement de la structure institutionnelle qui lui fait cruellement défaut !
On assisterait, alors, au retour d'une plus grande modération des marchés. Ce serait le signal de la fin de la crise de l'euro.
Valéry Giscard d'Estaing a été président de la Convention européenne.
Valéry Giscard d'Estaing, ancien président de la République
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