jeudi 26 juillet 2012

Tragédie: le peuple grec n’en a pas fini de sombrer


 
Depuis plus d'un mois, la Grèce a disparu des médias, même la persistance d'une canicule d'une durée jamais vue, depuis des décennies, n'apparaît nulle part, y compris, chez les partisans de la théorie du réchauffement climatique.
C'est que l'Espagne est à l'ordre du jour, une menace autrement plus sérieuse pour l'euro que le retour à la drachme, et que voir l'Allemagne et les «bons élèves» menacés de «mauvaise note», c'est découvrir la nullité ou la nocivité des mesures, précédemment, vantées...

Car l'Union européenne continue à conseiller à ses membres défaillants les mesures expérimentées depuis deux ans sur les Grecs. Une recette simple : à court terme diminuer les dépenses, augmenter les recettes ; à long terme, pimenter le tout de réformes de structures. Les «réformes», dont on ne dit mot, elles avancent en Grèce, même si elles se heurtent à des résistances très fortes : suppression de milliers de communes et transfert massif de compétences aux communes restantes, usage massif de l'informatique dans la gestion des affaires sociales et fiscales - repérage des fraudeurs aux cotisations impayées, des faux malades et invalides, des faux retraités, des professions libérales qui déclarent des revenus inférieurs au SMIG, ordonnances informatisées -, paiement des impôts annexés à la note d'électricité, ouverture d'une partie des professions « fermées » doit faire baisser les prix, mise sur pied des instruments techniques permettant les privatisations...

Mais les plans exigeaient des résultats immédiats. Donc, d'une part, baisse de salaires des fonctionnaires (30 à 40% en moyenne), gel des embauches (1 pour 5 retraités, et même en théorie pour 10), baisse des retraites et des retraites complémentaires (de 10 à 50% selon les cas), baisse du Smic (480 euros net/mois et 25% de moins pour les jeunes), gel des conventions collectives, conditions drastiques pour l'attribution des indemnités chômage (seuls 2/10 chômeurs y ont droit et pas plus d'un an), et d'autre part, augmentation de l'impôt sur le revenu (et baisse du revenu non imposable à 10.000, puis, 5.000 euros, par an), création d'un impôt foncier nouveau, hausse des TVA (aujourd'hui 21% à 23%) et des taxes sur tabac, alcools et produits pétroliers (essence plus chère qu'en France), forte hausse des tarifs publics ... sans oublier que l'État, paye souvent avec retard ses fonctionnaires, ses retraités (certains attendent, depuis plus d'un an, le règlement de leur dossier) et ses fournisseurs ! 

C'est ainsi que les hôpitaux n'ont plus de médicaments, les firmes pharmaceutiques exigeant d'être payées et l'indice des prix persiste à augmenter en raison de la hausse des tarifs publics. Les résultats ne se font pas attendre : baisse des revenus, des achats, fermeture des commerces, loyers en forte baisse, chômage en hausse (22,5% en avril 2012 et 51,5% pour les moins de 25 ans) et baisse du PNB continue, depuis 2008 (- 6,5%, en avril 2012, par rapport à l'année précédente).


Mais les ressources de l'État n'augmentent pas : l'impôt à la source sur des salaires en baisse ne rend pas, la TVA sur des achats en berne ne rend pas, le développement d'une économie de troc, d'échanges entre particuliers ne rend pas de TVA, et la découverte d'un emploi est souvent associée à un recours encore plus grand qu'auparavant au travail non déclaré. Enfin, à tous ces dégâts mathématiquement prévisibles s'ajoute l'accroissement des écarts entre salariés déclarés sur lesquels tombent toutes les charges et... les autres qui ont encore de larges solutions pour échapper aux mailles du filet, entre fonctionnaires en place encore protégés et salariés du privé, et la ruine des structures sociales en place.

La catégorie des nouveaux pauvres gonfle : développement des repas gratuits distribués par l'église orthodoxe, les ONG ou l'extrême-droite, recours à Médecins du Monde pour les soins de base qui ne sont plus gratuits comme avant, développement en flèche de la criminalité, de l'usage de la drogue ou du SIDA (lié à la fin de la distribution gratuite de seringues).

Alors la Grèce a disparu des médias... heureusement pour elle. La diminution des pressions, - menaces du style «si vous ne faites pas cela d'ici un mois, vous allez voir», qualificatifs désobligeants, futurs apocalyptiques promis aux dissidents de l'Europe protestante -, ne peut que détendre l'atmosphère. La tension et l'incertitude permanente (retour ou non à la drachme ?) ont découragé les possibles investisseurs (privatiser mais vendre à qui ?), les touristes, les Grecs eux-mêmes qui ont sorti leurs économies des banques, qui n'espèrent d'issue que dans l'illégalité, l'émigration ou le suicide. 

L'extrême-droite ne fera plus ses choux gras des injures allemandes, l'esprit public soumis à de trop fortes tensions depuis deux ans respire un peu, les touristes rassurés (finalement que craignaient-ils ?) reviennent. La détente permettra peut-être au gouvernement de faire accepter à un peuple fatigué des changements qu'il refusait désespérément jusque-là. Mais il ne s'agit que d'un répit estival... le Premier ministre a bien été prévenu : aucun adoucissement des exigences européennes n'est en vue, les contrôleurs de la Troïka reviendront en août décider du futur versement prévu. Lui-même a également prévenu : il n'acceptera aucune mesure d'austérité supplémentaire !

Joëlle Dalègre

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