L’une des principales intrigues de la crise économique qui mûrit est de savoir si les Etats-Unis savent rester première économie du monde, et si le dollar américain garde son statut de l’unique monnaie de réserve.
Une partie d’experts prédisent un affaiblissement du dollar et son remplacement par plusieurs monnaies régionales. D’autres sont persuadés que l’économie globale ne pourra pas se passer d’une monnaie de base.
Les analystes financiers sont unanimes à considérer que si le dollar US doit perdre l’importance qu’il a, ce ne sera pour demain. Ce processus ne sera pas révolutionnaire, mais évolutif et prendra des décennies.
« L’ère du dollar US » a commencé en 1944. En Europe la guerre faisait rage, lorsque les hommes politiques et les financiers de plus de quarante pays se sont réunis dans la petite ville américaine de Bretton Woods afin de déterminer pour des décennies le système financier mondial. C’était une conférence de l’ONU, qui a installé confortablement les Etats-Unis avec le statut particulier du dollar.
Les Américains et leurs alliés britanniques ont su persuader leurs collègues que seule une monnaie « principale », rattachée fermement à l’or, serait capable de garantir la stabilité de l’économie d’après-guerre. D’ailleurs, il n’y avait pas à l’époque d’autre monnaie capable de prétendre à ce rôle. Voici ce que dit l’économiste connu Mikhaïl Khazine :
« Au début des années 40 du siècle dernier l’économie des Etats-Unis d’Amérique représentait près de 50 % de celle du monde, pour la production et pour la consommation. Dans ce sens, le rôle du dollar US était parfaitement naturel ».
Ce statut spécial du dollar aidait durant de longues années les autorités nord-américaines à accumuler la part du lion des revenus mondiales, en s’en servant pour développer leur économie nationale. Or la situation a changé. Depuis longtemps le dollar n’est plus rattaché à l’étalon or, les centres de production mondiale se déplacent de l’Ouest à l’Est, la part des Etats-Unis dans l’économie mondiale chute. Dans ce contexte, l’influence disproportionnée du dollar US devient un facteur supplémentaire de crise. Kiril Trémassov, chef du département analytique de NOMOS-BANQUE explique :
« Il y a encore dix ans les positions du dollar en tant que monnaie de réserve étaient incontestables. En ces dix ans la portée du dollar dans le commerce et l’économie du monde a sensiblement diminué, l’importance de l’euro a considérablement augmenté. Le rôle du yuan a grandi. Ces processus vont se poursuivre ».
Le monde avait déjà vu quelque chose de semblable. Durant deux siècles la livre sterling anglaise assumait de facto le rôle de monnaie de réserve mondiale. Mais au milieu des années 40 du siècle passé la « reine des mers et des océans » décrépite a cédé sans résistance aux Etats-Unis et à leur « tout-terrain vert ». Et pourtant il ne faut pas s’attendre à un déclin rapide du dollar.
Les experts sont partagés sur l’avenir de la monnaie de réserve mondiale. Mikhaïl Khazine prédit la formation de plusieurs zones monétaires, par exemple, de la zone du dollar, du yuan, de l’euro. L’influence de chaque devise au-delà de sa zone ne sera pas grande. L’experte en macroéconomie Elena Matrossova, elle, insiste : tant que le monde se globalise, il aura besoin d’une monnaie de base. Le dollar est une monnaie de référence universelle, qu’il n’y pas de sens de changer.