dimanche 8 janvier 2012

Du gaz dans l'eau au large de la Martinique


Fort-de-France (Martinique) correspondance

«J'ai souvent pensé : mon Dieu, s'il y avait du pétrole aux Antilles, on serait à côté de nos pompes à tout jamais.» Est-ce une coïncidence si Aimé Césaire, le plus renommé des poètes et hommes politiques martiniquais s'est exprimé ainsi (1) quelques mois avant que soit entamée une campagne d'exploration pétrolière au large de son île ? Pour lui, la découverte d'hydrocarbures serait source de trop grande convoitise pour un si petit «pays»...

Actuellement, les différents services de l'Etat concernés sont soumis à une ultime consultation, et le dernier feu vert préfectoral devrait s'allumer fin mai.

Jusqu'aujourd'hui, personne n'avait jamais osé s'attaquer aux fonds marins des Antilles françaises. L'Institut français du pétrole (IFP) avait pourtant mentionné, il y a plus de vingt ans, que les bassins sédimentaires existant au large de ces îles étaient suffisamment anciens et épais pour contenir des hydrocarbures. Mais ces zones ont le désagréable défaut d'être situées à plus de 1 000 mètres de profondeur. Une raison suffisante à l'époque pour que les sociétés pétrolières s'en détournent pour aller prospecter dans des régions techniquement plus abordables et financièrement plus rentables...

Mais aujourd'hui, les techniques d'exploration et de forage ont bien évolué et une société américaine, RSM Production Corporation (filiale de Grynberg Petroleum), a décidé de se mettre en quête d'or noir antillais. Le 5 août 2004, un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures, dit «permis de Caravelle», a été accordé à la société par arrêté du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. La demande avait été effectuée en 2001. Ce permis couvre une superficie de 24 000 km2, empiétant à la fois sur l'océan Atlantique et sur la mer des Caraïbes. La société américaine envisage la découverte de gaz naturel plutôt que de pétrole, mais, selon elle, «il peut y avoir des surprises. Pour un gisement de ce type, ajoute-t-elle, une taille significative se situerait autour de 30 milliards de m3 de gaz de réserve.»

Une première campagne sismique (sorte d'échographie du sous-sol) devrait se dérouler avant la fin de l'année, sur une vingtaine de jours. Elle ne comporterait, selon RSM, «aucun risque écologique» pour la Martinique, après étude d'impact, notamment sur les mammifères marins, tels les dauphins. En Guyane, la société britannique Planet Oil (filiale de l'australienne Hardman Resources) avait dû, au mois de novembre 2005, interrompre pendant quinze jours sa campagne sismique pour n'avoir pas tenu compte des retombées sur certaines espèces animales, notamment les tortues luth...

RSM n'a pas cantonné ses intentions à la Martinique. Une demande similaire a été déposée en Guadeloupe en 2001 et devrait aboutir après quelques retards administratifs. Enfin, pour être sûre d'investir complètement l'éventuelle zone pétrolifère, RSM a déjà entamé des campagnes sismiques à Sainte-Lucie, Grenade, Saint-Vincent et les Grenadines, des îles situées au sud de la Martinique, où elle envisage «les premiers forages d'exploration en 2007».
Aux Antilles, un gisement d'hydrocarbures sous-marin pourrait être exploité

Mais même si tous les «si» ont des échos positifs, il faudra certainement attendre une dizaine d'années avant que la première lichette d'hydrocarbure n'apparaisse au large de la Martinique.

BERTRAND ANNE-LU

(1) Nègre je suis, Nègre je resterai, entretiens avec Françoise Vergès, Albin Michel, 2005

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