Pour les deux néanmoins le « mille-feuille » de l’Etat doit se simplifier, des aides substantielles être coupées, et bien sûr, l’appel à l’innovation ne saurait être un programme défini, car il relève du devoir, de la morale économique et industrielle, non d’une stratégie toujours déterminée et conjoncturelle!
Un point social trouve néanmoins une singularité, chez les deux hommes, relativement au modèle européen, pour ne pas dire « allemand », touchant la co-gestion industrielle patronale et syndicale, et que ne soulève paradoxalement aucune critique « socialiste » ni syndicale ! du moins ouvertement.
M Gallois préconise, en effet, dans ses 22 mesures que le Gouvernement essaie d’amoindrir, mais dont il adoptera, après des minauderies, l’entier contenu, pour des raisons techniques, que des salariés soient représentée au conseil d’administration des entreprises de plus de 5000 âmes. Il s’agit d’une pâle imitation de ce qui se produit chez notre voisin et même en Angleterre, où les syndicats jouent un rôle essentiel dans la direction de plans réfléchis et exécutés, une fois admis, dans toutes les branches du même secteur.
Ce qui est incompréhensible dans la situation française est à la fois la maigreur et l’ultrapolitisation syndicale plus désireuse de s’échapper dans une opposition que de prendre ses responsabilités. C’est ainsi que l’on a pris prétexte de l’état alarment du pays pour en rejeter la faute sur les dix dernières années, comme si la recherche des causes n’ était pas dans une responsabilité collective susceptible d’apporter –là est le vice de la méthode française en ce siècle d’adaptation et de « neutralité technique »- une réponse globale !
A cet égard les rapports Attali et Gallois ont cette ressemblance d’indiquer un moyen de fuite des difficultés, comme un médecin apporterait un apaisement au malade- sans donner une idée de la santé, c’est-à-dire de figurer un modèle économique, sous prétexte justement –en filant la métaphore médicale- d’apporter des remèdes !
Chacun redit que le gouvernement adoucit les mesures, ne suit pas le technicien dans son calcul de 30 milliards de crédits fiscaux, mesure dénomme « choc de compétitivité », les ramenant à 20, et renforçant la fameuse TVA qui fermera de nombreux établissements, et pèsera sur les consommateurs.
Ail est vrai que le rapport Gallois cite l’exemple du premier de la classe européenne, cette Allemagne et ses imitateurs nordiques « qui ont su se différentier par l’innovation, la qualité, le service, la marque » ! Cela implique une formation, avec encadrement industriel financier des études et apprentissages ou recherches scientifiques –dont la « gauche » idéologique ne veut pas entendre parler et que la droite n’a pas su expliquer, faute de la comprendre.
Ce dont l’industrie a besoin, -à l’évidence – est un fort investissement. Mais où trouver mieux l’argent que dans les bénéfices de l’exportation qui permettent de renforcer la recherche ? Le réflexe est d’aller trouver la solution dans des bénéfices virtuels, savoir l’évitement des dépenses de l’Etat, et la taxation. Celle-ci est naturelle et entre dans les obligations de l’autorité, mais son excès a caractérisé, déjà sous l’Ancien Régime monarchique, le dit « mal français » ainsi qualifié par Leibnitz dans un court article latin.
Il s’agit donc maintenant de réveiller un pays enfoncé dans des habitudes, et, riche ou pauvre, patron ou ouvrier attend en réalité trop de l’Etat qui n’en peut. Il est facile de railler ce « mille-feuille », comme on l’appelle, mais personne n’ose changer de menu !
Le dialogue social est dit dans le rapport Gallois « insuffisamment productif », autant déclarer qu’il est nul, et rien qu’en façade , dans des rencontres spectaculaires et, c’est le cas de le dire, extraordinaires, alors que ce devrait être un élément de vie sociale.
Souvent un graphique ou une image parle mieux qu’un discours acrobatique, entre les encouragements des nantis ou de ceux qui croient l’être encore, et les « exclus » : sur le « décrochage » industriel, un schéma colorié montre dans le quotidiens « les Echos » le taux d’autofinancement des entreprises.
De même que plusieurs auteurs émettent des doutes sur des évènements historiques présentés comme des évidences, tels les vols lunaires d’Apollo, l’on pourrait avec plus de raison encore douter que la France ait vaincu sa partenaire d’Outre-Rhin dans deux conflits de taille ; car l’écart entre des deux ennemis réconciliés est aberrant : alors que nous l’emportions d’une certaine avance en 2000, l’Allemagne a, l’an dernier non seulement dépassé notre taille, mais nous nous sommes effondrés relativement à ce que nous étions à cette date. Et ce après la première tourmente de la crise financière de 2008. imagine-t-on où en serait notre voisine si cette crise américaine n’avait, pour le bonheur de ses concurrents, ralenti une ascension irrésistible ?
Nicolas Sarkozy, par connaissance de la situation européenne, avait compris son devoir d’appeler à une meilleure et plus ample formation, et là était le sens de son appel à Attali ! le résultat fut sa volonté d’atteindre 1 millions de formations en alternance, mais-avoue Frédéric Schaeffer dans les Echos du Mardi 5 novembre, « celles-ci stagnent autour de 600.000 » Mardi 5 novembre, p. 3 in « Gallois,22 mesures pour stopper le décrochage »,
La suite de l’article –qui est une présentation claire du projet- lève un coin du voile sur l’esprit dans lequel cette analyse non pas seulement technique –ce qui serait à l’honneur de sa compétence avérée de gestionnaire, dont à la SNCF,- mais technocratique, est rédigée.
Dans ce rapport Gallois la prospection Gaz de Schiste, avec tout son outillage de perforation du sol-, est préconisée comme « choc de compétitivité » et l’on sait que pour les motifs écologiques la gauche électoralement l’a proscrit. Ce qui va à l’encontre d’intérêts outre atlantiques, qui veulent par cette exploitation généralisée à l’Europe couper cette dernière de l’approvisionnement en gaz russe.
Le mouvement est en effet parti des Etats-Unis, et notre « droite » soutient ce projet, lequel ne tardera pas à faire, contrairement aux illusions idéologiques, l’objet d’autres demandes pressantes, auxquelles le Gouvernement pourrait bien céder. Ce sera en tout cas une épreuve à surveiller.
Dans ce « train de mesures » -pour parler le langage du jour- sont embarquées les PME, dont il faut rappeler, surtout dans l’ancienne zone allemande soviétique, le rôle décisif dans la modernisation des produits d’exportation du pays réunifié ! On leur promet une survie mais, à la manière américaine préconisée aussi par Attali, de voir leurs initiatives réformatrices et progressistes, pour ainsi dire, soutenues (vive le socialisme !) par un regroupement au sein de « la Banque publique d’investissement d’un produit constitué d’actions de préférence sans droit de vote, fonds d’investissements sectoriels » (ibidem, les Echos) ; et Louis Gallois « demande l’équivalent du Small Business Act américain pour les petites entreprises ».
En d’autres termes, les PME sont alimentées par un fonds bancaire qui les endettera à un crédit international, tout comme le ministre Hamon veut que survivent les économies des pays émergents sous une finance unifiées mondiale. C’est le cas de dire, avec le poète Goethe, ce qui est à l’intérieur est à l’extérieur !
Pour conclure ce nouvel Évangile de la croissance qui, par des mesures telles que ces crédits fiscaux, devraient donner du travail d’ici 2017 à plus de 300.000 personnes, les bonnes nouvelles ne viennent pas seules, car le Qatar prétend aussi investir dans les PME françaises ! Ce qui, après le soin qu’il prend des banlieues françaises, lui assure un rôle indispensable, et certainement de plus grave conséquence qu’on ne le pense, sauf qu’aucun mouvement extrémiste d’ordinaire si prompt à dénoncer l’islamisation du pays, n’ose y contredire, car, selon une formule prêtée à quelque Empereur romain, Vespasien, l’argent n’a pas d’odeur !
Mais la décomposition des corps en a une, puisqu’il faut parler le langage de la médecine auprès de celui que récemment l’ancien Chancelier socialiste et Vice-président de Gazprom, Gerhard Schroeder, n’a certes pas qualifié d’ « l’homme malade de l’Occident », mais a bien dit déjà avancé « sur le chemin de la Grèce ».
Pierre Dortiguier