lundi 3 septembre 2012

États-Unis : vous voulez emprunter ? Faites des dettes !



- Et dire qu'en France, on s'inquiète régulièrement d'être fichés !

Que ferions-nous si, comme les Américains, nous subissions ouvertement le joug du "credit history", c'est-à-dire une sorte de casier, non pas judiciaire, mais financier, établi par des agences officielles de crédit ? Chaque citoyen américain y voit consigner l'historique de ses emprunts, de ses comptes en banque, de ses cartes de crédit, de ses traites et de ses découverts. Autant d'éléments qui, combinés par algorithme, résultent en une note, le "credit score", évaluant sa solvabilité et sa fiabilité financière.

Inutile de dire que ce nombre, allant de 350 à 850 et établi en liaison avec le numéro de sécurité sociale, a d'importantes répercussions sur la vie quotidienne des Américains : plus il est élevé, meilleurs sont les taux qui leur sont proposés pour prendre un crédit.



Mais le dispositif n'en reste pas là. D'abord parce que les informations concernant les citoyens, à la fois intrusives et détaillées, font mention de leurs actes de délinquance financière les plus anodins, comme un retard de quelques jours dans le paiement d'un loyer ou d'une facture d'électricité. Des broutilles qui entachent pourtant leur réputation financière en faisant chuter leur "credit score" pendant 7 ans, voire 10 ans lorsqu'il s'agit d'impayés plus conséquents. Et puis parce que les agences de crédit ne se contentent pas de vendre ces informations aux professionnels de la finance, ils les vendent aussi à tous ceux qui en font la demande, propriétaires de logements, compagnies d'assurances ou d'électricité, ainsi que les employeurs voulant connaître le profil d'un candidat avant de l'embaucher.


Améliorer son score à tout prix


Rien d'étonnant, donc, à ce que les Américains se préoccupent de leur réputation financière et qu'ils cherchent à améliorer leur "credit score". C'est même devenu un sport national qu'ils pratiquent en connaisseurs, en se pliant à ses règles parfois ahurissantes.

Ainsi le seul moyen de se construire une bonne réputation financière est de rembourser ses dettes en temps et en heure. Mais encore faut-il en avoir, et donc... emprunter ! Même si l'on n'en a pas besoin. Car le fait d'épargner et de payer comptant n'est même pas envisagé par le "credit history" et ne rapporte donc aucun point. Du coup les Américains ouvrent des comptes en banque et des lignes de crédit en pagaille. Et comme l'ancienneté s'avère payante en points de "credit score", ils s'y mettent le plus tôt possible et procurent une carte de crédit à leurs enfants dès leur plus jeune âge pour leur établir au plus vite un bon historique de crédit.

Aussi est-il très difficile de vivre aux États-Unis avec un mauvais "credit history". Pas moyen d'obtenir une carte de crédit, de louer un appartement à son nom, ou d'ouvrir une ligne téléphonique. Alors mieux vaut se résoudre à essuyer nombre de refus, à se contenter d'une carte de débit et à payer des cautions tous azimuts.


Crise des subprimes


Ce n'est guère plus facile pour les nouveaux venus aux États-Unis. En effet, les immigrants, n'ayant par définition pas de "credit history", ont de facto un score de 0, et donc une réputation financière calamiteuse. Donc aucune possibilité d'emprunter, alors que c'est la seule façon de se bâtir un "credit history" ! Un vrai casse-tête qui exige plusieurs années de manoeuvres compliquées pour parvenir à se faire une place dans un système qui apparaît pourtant comme directement responsable de la crise des "subprimes".

Car le paradoxe de ce "credit score", inventé en 1970 par deux mathématiciens qui mirent 12 ans à en écrire la formule, c'est qu'il a été conçu pour offrir aux prêteurs un critère objectif permettant d'évaluer rapidement le risque présenté par le client. Il a surtout dopé le marché du crédit aux USA. Le système repose non sur le niveau de revenu des citoyens, mais mesure leur bonne volonté à payer leurs traites. Ce qui, on l'a bien vu, ne risque pas de suffire face à l'avidité des financiers qui les poussent à s'endetter de plus en plus. Mais sans doute est-ce là un raisonnement trop simple pour des mathématiciens chevronnés.

Cécile David-Weill

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