dimanche 17 juin 2012

Grèce : les migrants, boucs émissaires de la crise



IRIB- Combien sont-ils ? Un million, deux millions ?

Personne ne le sait. Dans un pays de 11 millions d’habitants, ils sont visibles. Trop, selon les militants néonazis d’Aube dorée. Même les Grecs les plus modérés se plaignent. Leur pays est la porte d’entrée de toute la misère du monde. Une porte d’entrée qui aboutit le plus souvent sur une impasse.
Place Amerikis, en plein centre d’Athènes, comme tant d’autres bâtiments à l’abandon, celui-ci abrite un squat, occupé par des Africains francophones. Escalier branlant, électricité coupée, trois chambres délabrées, quinze matelas jetés à même le sol.

Ali Cissé, 29 ans, Guinéen, habite ici, depuis trois ans. Il a quitté son pays pour, dit-il, des raisons familiales. Mais, on devine, au cours de la conversation, que ses motivations sont d’abord économiques. L’espoir d’une vie meilleure a poussé cet étudiant en langues étrangères à abandonner amis, famille, femme et enfant. Pour atteindre la Turquie, ce fut facile. En avion, comme n’importe quel touriste. Le passage en Grèce fut plus compliqué. «J’ai payé 1.000 dollars à un passeur, pour traverser en canot pneumatique. Nous étions une trentaine. Trois amis sont morts noyés. La police turque nous a capturés».

Le passage par la case prison ne l’a pas découragé. Quelques semaines plus tard, avec quelques compagnons d’infortune, il tentait de nouveau la traversée en bateau gonflable. «Depuis la côte turque, nous voyions au loin briller les lumières de l’île de Samos. Nous avons mis deux heures pour y arriver», sourit-il. Vêtu d’un faux polo Lacoste, coiffé d’un bonnet rasta, il s’exprime doucement, paisiblement. La prison en Grèce ne l’a pas traumatisé. «On y mange bien. J’ai même grossi», plaisante-t-il. Depuis, il vend des babioles à la sauvette, sur le trottoir, avec comme seul papier d’identité sa carte rose de demandeur d’asile. «Parfois, les policiers confisquent le matériel, la recette de la journée est perdue, cinq euros, pas plus».

La crise économique touche de plein fouet les plus faibles, comme lui. «Avant, des Grecs nous apportaient à manger. Maintenant, c’est fini. Quand il y a trop de bruit dans l’immeuble, ils appellent la police». Le racisme monte. Souvent, des passants lui lancent furtivement : «Rentre donc chez toi !». Jamais, heureusement pour lui, il n’a été confronté aux redoutables milices d’Aube dorée, décidées à «nettoyer» Athènes. Mais il a peur. Une fois, il a été frappé, sans raison, dans un commissariat. Il en garde une cicatrice à l’arcade sourcilière. Son rêve est toujours le même. «Aller en France, avoir des papiers, étudier». Le retour ? Pas une fois il ne l’évoque. Pas plus que ses camarades de galère.Certains sont à Athènes, depuis quinze ans.

A Athènes, Ludovic BASSAND.

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