jeudi 29 décembre 2011

Du Japon au Soudan, la Chine développe l'utilisation du yuan dans le commerce


SHANGHAÏ (CHINE) CORRESPONDANCE - La Chine accélère l'internationalisation du yuan. Pékin a reçu, mercredi 28 décembre, une demande du Soudan, dont elle est le premier partenaire commercial, afin d'utiliser leurs monnaies respectives dans leurs échanges. Si les Chinois l'acceptent, "nous pourrions abandonner le dollar", a déclaré le gouverneur de la banque centrale soudanaise, selon l'AFP.

Depuis 2009, la Chine a déjà signé des accords de "swap", c'est-à-dire de compensation directe sur des montants plafonnés, avec de multiples banques centrales, surtout en Asie mais aussi avec l'Argentine ou la Nouvelle-Zélande. En décembre, de tels accords ont été conclus avec le Pakistan et la Thaïlande, permettant à leurs commerçants d'obtenir des yuans pour leurs transactions avec le premier exportateur mondial.
Une nouvelle étape a été franchie le 25 décembre, lorsque la Chine a signé avec le Japon un pacte prévoyant l'utilisation directe du yuan et du yen entre les deuxième et troisième économies mondiales, afin de "réduire le risque de change et les coûts de transaction", selon Pékin. Aucun calendrier n'est établi et les détails restent àdéfinir, mais cette étape est la dernière d'une "série progressive de signes montrant que Pékin est déterminé à développer un jour le yuan en tant que monnaie de réserve alternative viable", note Donna Kwok, économiste de la HSBC.
Le Japon s'est engagé au même moment à investir jusqu'à 10 milliards de dollars (7,7 milliards d'euros) de ses réserves dans le yuan. Malgré le montant limité au regard des colossales réserves de change des deux économies, c'est un coup de pouce au statut du yuan comme monnaie de réserve, le Japon étant le premier Etat du G8 à effectuer un placement dans des bons en yuans. "La Chine va poursuivrele processus d'internationalisation du yuan en 2012 malgré les incertitudes à l'international", prédit Mme Kwok.
MONNAIE DE RÉSERVE ALTERNATIVE
Pour Pékin, il est important de contribuer à l'émergence d'une monnaie de réserve alternative pour briser l'exposition aux politiques monétaires américaines. Mais une telle devise de stature internationale doit par nature être librement convertible, ce qui n'est pas le cas du yuan. Soucieuse de conserver un contrôle déterminant pour ses exportations, la Chine n'a pas suivi la méthode orthodoxe consistant àlibéraliser d'abord les taux de change : la Banque populaire de Chine ne tolère qu'un flottement de 0,5 % par rapport au taux-pivot qu'elle établit chaque jour pour le yuan. Elle n'a pas non plus levé les barrières aux flux de capitaux. "La Chine pourrait être le seul exemple d'un pays poussant sciemment l'internationalisation de sa monnaie tout en maintenant les contrôles de capitaux", relevait en novembreStephen Green, chef économiste de Standard Chartered en Chine.
D'où la vive curiosité sur cette internationalisation hybride. Au coeur de ces évolutions : Hongkong, où Pékin a laissé pousser au cours des dix-sept derniers mois un marché en yuan hors de ses frontières monétaires. La contrepartie est que les yuans positionnés à l'extérieur de la forteresse n'échappent pas au vent de marchés changeants. Ainsi, à la fin septembre, les yuans offshore furent-ils vendus massivement, aux côtés des autres devises asiatiques. Si les deux taux ne se séparèrent jamais de plus de 3 %, s'envola la présomption selon laquelle le yuan de Hongkong suit naturellement celui de Chine continentale.
Or le contexte actuel tendu pousse plutôt Pékin à se méfier d'un afflux de capitaux étrangers en quête de sécurité ou de spéculation en cas d'ouverture. "La Chine entend profiter des bénéfices attenants à une devise internationale mais la dernière chose qu'elle souhaite est une fusion du réacteur causée par une libéralisation mal évaluée des marchés financiers, dit Ren Xianfang, analyste d'IHS Global Insight.L'internationalisation restera donc largement limitée au compte commercial avec uniquement des tests limités sur le compte financier."
La prochaine étape dans l'ouverture sera de savoir comment recycler les yuans de Hongkong en Chine. "Tout dépend de la vitesse à laquelle s'ouvrira le compte de capital, résume Kelvin Lau, économiste de Standard Chartered. Mais avec le temps, et la levée des barrières, il va y avoir une convergence graduelle. Nous parlons là de nombreuses années."
Harold Thibault

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